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« On détruit notre industrie »

Des chauffeurs à 2 $ l’heure
L’industrie du taxi est à la croisée des chemins. (Photo: archives, Pierre Michaud)

Pour utiliser une image médicale, l’industrie du taxi à Rimouski n’est pas encore aux soins palliatifs, mais l’un de ses responsables, le directeur de Taxis 800, Stéphane Dionne, la considère dans un état critique.

Trois facteurs ont contribué à hypothéquer sérieusement l’avenir du taxi depuis trois ans : la crise sanitaire, la crise de la main-d‘oeuvre et le cadre réglementaire renouvelé, adopté par Québec à la suite du tollé suscité par la présence du service UBER depuis 2016. Des facteurs qui ont fait en sorte que la valeur d’un permis de taxi à Rimouski est passée de 80 000 $ à 20 000 $ et que leurs propriétaires ne trouvent pas preneur.

Baisse de 25%

« Le gros changement depuis la crise sanitaire, c’est le manque de main-d’œuvre. On est passé de 42 permis actifs à environ 30, donc, déjà, 25% moins de voitures disponibles qu’avant. C’est passé un peu de tout à rien. Pendant la COVID, c’était tranquille, mais là, on manque de monde pour répondre à la demande depuis la crise économique. On ne fournit pas. Sur les heures de pointe, ça peut aller jusqu’à une heure d’attente pour la clientèle », précise monsieur Dionne.

Stéphane Dionne (Photo: Facebook-Stéphane Dionne)

Ne pas fermer la nuit

« Pendant la nuit, avant la COVID, les fins de semaine, on opérait avec 10-12 voitures; là, on vire à deux ou trois voitures. En début de semaine, on a une seule voiture disponible, la nuit. On aurait parfois le goût de fermer complètement la nuit, mais nous nous sentons le devoir de demeurer accessibles parce qu’on est la seule compagnie de taxis de Rimouski. La présence de l’hôpital régional y fait pour beaucoup. Il arrive souvent que des gens aient besoin d’un taxi la nuit, pour se rendre à l’hôpital. On s’est donné l’obligation de garder au moins une voiture en service. Ça prend souvent des tours de magie pour arriver à ça », constate le directeur de Taxis 800.

À 2 $ l’heure

« Quand « on a mis le Québec sur pause » comme disait monsieur Legault, pendant la crise de la COVID, tout était fermé et plus rien ne fonctionnait, alors les gars de taxi viraient à peu près à 2 $ l’heure. Puis, la crise de la main-d’œuvre nous a causé de la concurrence. Les emplois à 20 $ l’heure ne sont plus rares dans les autres domaines, alors des chauffeurs ont changé d’emploi. Plusieurs sont partis et ne sont jamais revenus », déplore Stéphane Dionne.

« D’autre part, avec la Loi 17 concernant l’industrie du taxi, juste avant le déclenchement de l’état d’urgence sanitaire, le gouvernement a tout modifié l’encadrement du taxi. On a obligé plus de formation pour les nouveaux chauffeurs. Le gouvernement a voulu les mêmes standards pour UBER autant que pour nous. On exige aujourd’hui, notamment, des dossiers criminels impeccables, des formations sur Internet, etc. Les gens ne sont pas intéressés à passer par là! Il faut que tu débourses et que tu suives de la formation avant même de savoir si tu vas aimer le travail », poursuit monsieur Dionne.

Le contraire de l’objectif

Alors que se déroule la campagne électorale provinciale jusqu’au 3 octobre, la survie de l’industrie du taxi s’avère un autre enjeu intéressant.

« Le problème est qu’on ne nous écoute pas. Il y a eu plusieurs consultations et nous y avons participé, mais le gouvernement a fait « à sa tête ». Il sait qu’il a perdu la face (devant UBER); il n’ira pas le dire. On détruit complètement notre industrie. Avant la Loi 17, il y avait des délais, du genre 15 ou 30 minutes. Maintenant, on dit : « on va tout changer ça. Vous allez voir que les clients n’attendront plus. Il va y avoir plus de taxis. » C’est le contraire qui se produit. On a doublé les temps d’attente », renchérit le gestionnaire.

« Sur les 30 permis toujours en circulation, il y en a six ou sept à ma connaissance qui sont à vendre et pour lesquels nous n’avons pas d’acheteur. Et ils valent quatre fois moins d’argent qu’avant. À 80 000 $ et plus, à une époque, les gens se les arrachaient. Là, on ne trouve pas d’acheteur à 20 000 $. Je profite de la campagne électorale pour dire que la loi doit être révisée parce que la loi actuelle sur le taxi ne fonctionne pas du tout. On est allé aux consultations, mais on est allé pour la forme. On se fout complètement de nous », tranche Stéphane Dionne.

Besoin

Et si vous parliez à un politicien en campagne électorale, vous lui demanderiez quoi?

« On ne demande pas grand-chose au prochain gouvernement, juste de faciliter l’entrée de nouveaux chauffeurs dans notre industrie. Au lieu des 56 formations et compagnie, tout ce qu’on veut c’est de faciliter la tâche à ceux qui veulent l’essayer. Par exemple, le gouvernement pourrait délivrer des permis probatoires de trois mois. Le candidat se pratiquerait alors et saurait s’il aime le travail. Là, ça ne fonctionne pas, car un candidat doit faire des démarches qui lui coûtent des sous avant même de savoir s’il aime ça. »

La situation est si critique qu’on s’interroge sur l’avenir du taxi à Rimouski. (Photo: journallesoir.ca, Pierre Michaud)

Pire ailleurs

La situation est au point où on peut s’interroger sur l’avenir du taxi à Rimouski.

« Ça prend des assouplissements, sinon on ne peut pas jurer de ce qu’il arrivera à Rimouski. Il y a des endroits où c’est bien pire. Il y a des villes qui ont perdu tous leurs services de taxi; des villes de 10 000 habitants avec des flottes de cinq ou six taxis qui n’en ont plus du tout. Certains ont tout simplement abandonné le métier quand ils ont reçu les compensations du gouvernement. Il y a bien des villes qui ont souffert de ça. On peut se demander si on a de l’avenir dans le domaine. C’est très, très préoccupant », conclut-il.

Notons par ailleurs que Taxis 800 est à la recherche de chauffeurs, d’un ou une répartiteur-trice et d’adjoint.e.s. administratifs.

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