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Les « pros » sont en voie de disparition

Le Club Bic pourrait devoir s’en passer une première fois
Un des trous signature du Bic, le trou numéro 14.(Photo: journallesoir.ca, Pierre Michaud)

Plus on se rapproche du début de la saison, plus l’évidence s’impose : pour une première fois depuis au moins les 60 dernières années, il n’y aura pas de professionnel au Club de golf Bic la saison prochaine.

Un actionnaire du Club a attiré l’attention du Journal Le Soir sur le fait qu’à l’Est de Lévis, il ne reste pratiquement plus aucun professionnel dans les clubs de golf. Un fait corroboré par Jean-Sébastien Légaré, professionnel de golf, chroniqueur et rédacteur pour Ovation médias, notamment sur le site spécialisé Au19e.ca.

Fin d’une tradition

Au Bic, c’est la fin d’une longue tradition d’excellence qui s’annonce avec le licenciement de Jonathan Moreau survenu en novembre, deux ans après avoir été embauché. Auparavant, Michel Blier avait quitté son poste pour la Vallée du Richelieu après 30 ans de loyaux services au Bic.

De mémoire de golfeur, les professionnels suivants ont défilé au Bic depuis plus ou moins 60 ans : Denis Fillion, Jean-Guy Gendron, Maurice LeBlanc, Daniel Levasseur, Michel Blier et Jonathan Moreau. Michel Blier, un Rimouskois, a agi comme adjoint de Daniel Levasseur avant de lui succéder.

Le mentorat

Le portrait en chiffres obtenu avec la collaboration de monsieur Légaré donne les résultats suivants : sur environ 350 clubs de golf recensés, il y a quelque 400 professionnels, incluant les adjoints. On dira qu’il y a plus d’un professionnel par club et on croira à l’équilibre. Bien non!

Des clubs sélects embauchent plusieurs adjoints à la fois, autant que d’autres n’ont qu’un professionnel sans adjoint. De plus, 125 professionnels enregistrés de la PGA du Québec (Association des golfeurs professionnels du Québec/Royal canadian golf association (RCGA)) se consacrent à la compétition seulement. Ce qui nous ramène déjà à 275.

Mais, pire, le mentorat souffre. Un professionnel sans adjoint ne peut pas former… son adjoint! Par ailleurs, en plus d’exclure les professionnels qui font de la compétition, il faut aussi exclure ceux qui ne sont pas attirés par le côté administratif du golf, ce qui exclut une double fonction. Dans une autre phase évolutive, les postes de directeur administratif et de professionnel ont été associés. C’était le cas pour messieurs Blier et Moreau.

Jean-Sébastien Légaré (Photo: courtoisie)

Part de loin

« Ça part de loin, parce que comme dans n’importe quelle industrie, c’est la manière dont tu formes la prochaine génération d’employés qui fait ton succès. Par exemple, pour ma part, je suis sorti de l’université, en 2007 ou 2008, et on sentait à ce moment qu’on était dans les dernières cohortes d’adultes qui tentaient de passer « leur carte », pour avoir un emploi d’adjoint pour naviguer ensuite vers le haut, vers le poste de professionnel en titre ou de directeur général, tout dépendant de ce qui m’intéresserait. »

« Ça dépend de chaque professionnel. Il y en a qui aiment gérer des boutiques et d’autres qui aiment plutôt enseigner », remarque monsieur Légaré, qui est toujours professionnel enseignant au Club Rosemère-Fontainebleau.

Effet domino

« Le fait de remplacer un professionnel, quand ton industrie est vivante et qu’il y a en dessous des employés prêts à prendre la relève, s’avère normalement aisé parce que justement la relève est prête à passer au prochain niveau. Dans la région de Montréal, cet hiver, on a vu qu’aussitôt qu’un gros morceau quittait son poste, il n’était pas remplacé. »

« J’ai en tête l’exemple de Steven Deschênes qui a quitté Summerlea. Dans une industrie florissante, ce serait un adjoint qui serait là depuis six ou sept ans qui prendrait le flambeau. Là, c’est plutôt un gros morceau d’ailleurs, Gary Lyden, du Blainvillier, qui est venu remplacer un autre gros morceau. »

« Il y a un effet domino au lieu d’un effet de remplacement. C’est un phénomène qui affecte le golf. Les clubs ont connu un boom récemment, mais rien n’a suivi en termes de quantité de pros. On a besoin d’enseignants. Un des problèmes, c’est qu’on a payé trop longtemps nos adjoints avec des salaires qui n’étaient pas à la hauteur de ce qu’on leur demandait comme travail », explique encore Jean-Sébastien Légaré.

Relève affectée et retombées tentaculaires

« Il y a des clubs renommés qui ont huit, neuf, 10 « pros » avec des clientèles de 1 000 membres et plus, mais il y a des installations qui n’ont pas de structure à l’autre extrémité (…) Moi, je crois que le professionnel est le poumon d’un club de golf : il organise les compétitions, il crée l’ambiance, c’est lui qui enseigne, qui donne le goût de jouer. C’est lui qui met sur pied un programme pour les juniors. L’absence de professionnel vient aussi affecter la formation de la relève. C’est une situation qui a des retombées tentaculaires », fait-il remarquer.

Venu au Bic

Le professionnel Légaré est déjà venu disputer des tournois professionnels au Bic.

Il pense que la formule de professionnels itinérants, comme le « golftrotter » Jérôme Blais qui dispense des cliniques sur des périodes de quelques jours, dans la région, est une partie de solution pour assurer le développement des golfeurs. La pratique se déploie aussi à Montréal sous une forme comparable.

« Ça fait partie des possibilités d’avenir. C’est une bonne idée. D’un autre côté, l’Académie de Steeve Foisy s’engage à former des professionnels dans la région de Montréal avec plusieurs points d’attache. C’est un peu la même chose qu’avec Jérôme Blais. Il y a un peu la même tendance à Montréal. »

Partout le cas à Rimouski

Aux dires de Pierre Roy, propriétaire du Club Val-Neigette, les revenus ne sont plus suffisants et la demande pour des cours a diminué. « Pour un club comme le nôtre, c’est rendu impossible compte tenu de l’ampleur des autres dépenses », confirme monsieur Roy. Les installations et le parcours sont d’ailleurs à vendre.

Au Club Les Saules, on constate que les golfeurs ont maintenant accès à de la formation par Internet, mais on offre aussi des séances d’apprentissage concentrées sur quelques jours avec Jérôme Blais.

Selon nos informations, il n’y a plus aucun club de golf à Rimouski ayant sous contrat un professionnel en titre pour la prochaine saison. À une époque pas si lointaine, Richard Plourde était associé à Val-Neigette, Éric Saint-Pierre au Saules, Michel Blier au Bic et Guy Fabre à l’Empress.

Jérôme Blais (Photo: courtoisie)

Demande en croissance

Jérôme Blais a commencé à faire le « golftrotter » un peu par accident.

« J’ai déjà complété deux saisons complètes à offrir des cours en région. Je proposais déjà ma formule d’enseignement par groupe de 12 golfeurs sur deux jours, mais seulement dans ma région, l’Estrie. Je participe aussi comme accompagnateur à des voyages organisés par Gendron Golf. J’ai rencontré en voyage un groupe du Nouveau-Brunswick qui n’avait pas de professionnel. Ces gens se sont informés sur mes disponibilités. Je leur ai demandé s’il pouvaient venir en Estrie. Ils souhaitaient que ce soit moi qui se déplace au lieu de l’inverse. L’été prochain, j’en serai à une demi-douzaine de clubs de golf desservis dans l’Est du Québec. »

« C’est donc un territoire compris entre le Bic, la péninsule gaspésienne et le Nord du Nouveau-Brunswick que je dessers. J’irai notamment à Carleton, Fort-Prével et au Club Les Saules, l’été prochain. Je vais aussi un peu partout dans la province », conclut-il.

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