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Nouvelle de 19 h

« Il y a fort à faire pour protéger notre patrimoine »

Bilan patrimonial de la décennie et perspective de 2020
La Maison Perron.(Photo: courtoisie, Pascal Gagnon)

Alors que 2020 s’annonce préoccupante pour l’avenir d’édifices à intérêt historique tels l’ancienne école d’agriculture, la cathédrale de Rimouski et l’ancienne école des Frères du Sacré-Cœur (Ateliers Saint-Louis), le professeur d’histoire et amant du patrimoine bâti, Pascal Gagnon, dresse un bilan peu reluisant des dernières années.

Monsieur Gagnon a préparé à l’intention des lecteurs du journal le soir, en exclusivité, une rétrospective patrimoniale de la décennie 2010.

« Avec l’implication de Charles Ruest (voir plus bas) dans le dossier de l’ancienne école du Sacré-Cœur-Ateliers Saint-Louis et l’avenir de la cathédrale qui n’est toujours pas bien défini, je crois que le moment est bien choisi pour regarder un peu derrière nous. Il est intervenu devant le conseil municipal pour obtenir de l’aide. Pour 2020, j’espère que cela donnera une erre d’aller et que les gens s’impliqueront davantage pour la sauvegarde de notre patrimoine bâti. Il y a fort à faire », explique-t-il.

Voici donc son bilan et ses commentaires :

2010 : Découverte d’une deuxième maison en colombage à Rimouski. Jusque alors, le seul type de construction de ce genre connu à Rimouski était la maison Lamontagne. Lors d’une visite en vue d’acquérir la maison Perron, j’ai remarqué en allant au grenier que la maison Perron est construite en colombages, c’est-à-dire que les pièces de bois qui la constituent sont placées à la verticale et non à l’horizontale comme c’était généralement le cas jusqu’à la fin du XIXe siècle.

Cette maison dont les origines remontent au XVIIIe siècle a été citée comme monument historique par la Ville de Rimouski en 2011. Depuis, trois autres maisons ainsi construites ont été recensées : deux sur la rue Tessier et une autre sur la rue de l’Évêché.

Même préoccupé, Pascal Gagnon garde le sourire et souhaite de joyeuses Fêtes à tous. (Photo: courtoisie, Pascal Gagnon-Facebook)

2011 : Inauguration de la nouvelle Bibliothèque Gilles-Vigneault au Cégep de Rimouski. En 1970, la chapelle du Séminaire avait été détruite afin de loger la bibliothèque de l’institution. La direction du Collège avait alors misé sur un style résolument moderne et fonctionnel et n’avait pas tenu compte de l’aspect patrimonial du lieu.

Au début des années 2000, le bibliothécaire Marcel Massé et un enseignant en technologie de l’architecture Michel L. St-Pierre découvraient que les voutes de la chapelle du Cégep sont pratiquement intactes. Un projet de rénovation vit le jour. Il se concrétise à la fin de la décennie. Si bien qu’en 2011, le personnel du Cégep et le grand public peuvent retrouver l’esprit des lieux dans une bibliothèque qui fait figure de modèle à travers le réseau collégial.

2012 : Disparition du parc de la résidence des frères du Sacré-Cœur. Il fait place à la construction de condos sur le site acheté quelques années auparavant. La disparition de ce grand parc témoigne du peu de cas que l’on fait du patrimoine paysager à Rimouski, mais aussi dans l’ensemble du Québec. La Société rimouskoise du patrimoine avait manifesté son désaccord auprès de la Ville, sans succès.

2013 : Fêtes du 150e anniversaire du Séminaire de Rimouski. Alors que ces célébrations témoignent de la place que l’Église a occupé autrefois à Rimouski, des intervenants dans le domaine du patrimoine s’interrogent sur l’avenir de plusieurs bâtiments emblématiques de cette présence.

Des préoccupations quant à l’avenir de la résidence Lionel-Roy où résidaient des prêtres retraités, fermée deux ans plus tôt, commencent à apparaître. Quelques coins de rues plus loin, les Ateliers Saint-Louis, anciennement l’école des Frères du Sacré-Cœur, sont inoccupés depuis plusieurs années. À l’aube de la nouvelle décennie, ces deux bâtiments figurent parmi les plus menacés en ville.

Événement le plus marquant

2014 : Grosse année! Fermeture de la cathédrale Saint-Germain. Il s’agit probablement de l’événement le plus marquant de la liste. Cette fermeture est due au manque d’entretien dont a souffert le bâtiment depuis plusieurs décennies déjà. Pourtant, c’est le bâtiment le plus emblématique de Rimouski, celui dont les valeurs patrimoniales sont les plus grandes. C’est d’abord et avant tout la première grande œuvre du célèbre généalogiste Cyprien Tanguay, auteur du Dictionnaire généalogique du Canada-Français et curé de la paroisse Saint-Germain à cette époque.

Au moment de sa construction, il s’agit de la deuxième église en importance au Bas-Canada après la basilique Notre-Dame de Montréal. Lorsque son clocher est complété en 1859, aucun autre n’est plus haut dans ce qui allait bientôt devenir le Québec et possiblement même au Canada. Du moins, je n’en ai trouvé aucun autre qui fait plus de 69 mètres à ce moment-là.

La plus vieille

À l’échelle du Québec, rappelons qu’il s’agit de l’une des cinq cathédrales associées à un archidiocèse, de la plus vieille cathédrale catholique du Québec, ex aequo avec celle de Trois-Rivières. Bref, les qualités qui militent en faveur de sa conservation sont nombreuses et promeuvent son classement comme immeuble patrimonial par le gouvernement du Québec. Chose qui a été refusée en 2016…

2015 : Destruction de la grange des sœurs du Saint-Rosaire. Témoin majeur d’un mode de vie autarcique maintenant disparu, la démolition de la grange avait été amorcée par les sœurs du Saint-Rosaire l’année précédente à la demande semble-t-il de l’UQAR et de la Ville de Rimouski qui projetaient de construire le nouveau complexe sportif sur son site.

La Société rimouskoise du patrimoine s’était positionnée contre la démolition de l’édifice, sans résultat toutefois. Aujourd’hui, son site est occupé par des espaces de stationnement…

2016 : Confrontation entre les comités Cathédrale 1862 et Cathédrale 2016. À la suite du dévoilement du projet visant l’intégration de la Coopérative artistique Paradis dans la cathédrale, un nouveau comité voit le jour et exige le maintien du culte dans l’église.

Le ton monte rapidement, si bien que le projet Paradis est abandonné. L’État du dossier témoigne bien de la nécessaire concertation qui devrait normalement intervenir entre le propriétaire qu’est le Diocèse, les différents paliers de gouvernement et la communauté rimouskoise.

2017 : la cathédrale figure sur la liste des 10 bâtiments les plus menacés au Canada. Cette liste est tenue depuis quelques années par la Fiducie nationale du Canada, un organisme voué à la protection du patrimoine à travers tout le pays.

Au même moment, le Diocèse se décide finalement à tenir des consultations publiques quant à l’avenir de la cathédrale. Un sondage est réalisé et révèle que la population est en faveur un usage mixte, c’est-à-dire à la fois un usage civil et religieux. Des mémoires sont aussi déposés par des citoyens et des organismes.

2018 : Monseigneur Marc Pelchat, évêque auxiliaire de Québec intervient dans le dossier en tant que médiateur, à la demande de l’archevêque de Rimouski, Denis Grondin.

2019 : La cathédrale est toujours en délabrement. L’implication d’un jeune homme, Charles Ruest, dans le dossier des bâtiments patrimoniaux, apporte un baume et un élan de fraîcheur. Il tente de sauver d’abord l’ancienne école des Frères du Sacré-Cœur (Ateliers Saint-Louis) mais son arrivée pourrait en inspirer d’autres. Les Rimouskois réagiront-ils?

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