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Nouvelle de 17 h

Des aînés ont hâte de sortir: ça presse!

Une stratégie de déconfinement ne saurait attendre dans les résidences privées
De plus en plus de retraités actifs commencent à trouver le temps long, à Rimouski. (Photo: courtoisie)

Des aînés de Rimouski débordants d’énergie qui habitent dans des résidences privées lancent un cri d’alarme pour qu’on les laisse enfin circuler plus librement.
Rimouski compte une bonne quinzaine de ces résidences, dont certaines accueillent une clientèle en perte de mobilité, mais d’autres, des retraités actifs. Après presque sept semaines de confinement, des hommes et des femmes de Rimouski de 70 ans et plus n’en peuvent plus de devoir demeurer dans leur logement et de s’astreindre aux consignes qui limitent leur liberté de mouvement en général.

Le président du Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA), Yves Desjardins, en entrevue exclusive au journal le soir, reconnaît d’emblée que la santé mentale d’une bonne partie d’entre eux est menacée. Le maire de Rimouski, Marc Parent, est aussi intervenu à ce sujet aujourd’hui.

« Le troupeau »

« Je m’ennuie de mon cercle d’amis. Je sais aussi que les décrets sur les mesures sanitaires, on ne peut pas ne pas respecter ça. Cependant, on a l’impression dans les détails d’être menés comme des enfants. Il y a des écriteaux partout, des petites flèches parterre, on ne sort qu’en petits groupes et encadrés. Un ami m’a demandé ce matin si j’avais « suivi le troupeau » en parlant d’une sortie organisée d’un groupe de 15. Le troupeau! Sachez qu’on a une dignité; et qu’on a encore de la valeur! », mentionne Roger Breton, un sportif et un homme impliqué dans sa communauté.

Monsieur Breton soutient que son bon ami Henri-Paul Pineau, le fondateur du Club de golf Les Saules, pense comme lui et probablement plusieurs autres.

« On est dans une résidence privée où il n’y a pas de virus. Pour empêcher les rassemblements, il n’y a plus de chaises dans les aires communes. On ne peut plus juste s’asseoir! On n’a pas le droit de se promener. On nous rappelle partout les deux mètres à respecter. J’ai essayé d’amener un ami qui était seul prendre une marche et je n’en ai pas le droit. Nous qui aimons jouer au golf, quand est-ce que je vais pouvoir sortir? »

Question de caractère

Une autre personnalité rimouskoise, le sculpteur et artiste en dessin Christian Girard se sent un peu moins pris que nos deux amis précédents. Il est cependant séparé de sa conjointe qui habite une autre résidence. Ils ne peuvent pas se voir en personne, sauf quand l’un va faire l’épicerie de l’autre, à deux mètres et brièvement.

« Je suis peut-être moins impatients que d’autres. Il y a des caractères qui s’accommodent plus facilement des situations contraignantes. Je n’ai pas de problème avec mon confinement. J’ai de quoi m’occuper! », lance monsieur Girard.

L’auteur de ces lignes a appris qu’il est arrivé récemment un événement qui en dit long. Une femme a tenté de « s’évader » de sa résidence de Rimouski à deux reprises, dont une fois avec sa voiture, avant d’être ramenée à la raison… et à la « maison »!

Détresse psychologique

Les responsabilités des propriétaires de résidences pour les personnes âgées de 70 ans et plus sont lourdes. On se doit d’appliquer les mesures sanitaires mais on comprend aussi l’impatience des aînés actifs.

« Nous avons amorcé une réflexion pour proposer des solutions permettant le déconfinement de nos aînés dans nos résidences. Un des problèmes, c’est que la situation dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée (public) et celle dans les résidences privées sont complètement différentes, alors qu’on le traite sur le même pied. Il y a environ 1 680 résidences sur 1 750 qui n’ont aucun cas de COVID-19. C’est notamment le cas au Bas-Saint-Laurent », fait remarquer monsieur Desjardins.

Yves Desjardins (Photo: courtoisie RQRA)

Perte d’autonomie accélérée

« Les aînés le réclament et ils y ont droit. De leur dire « vous autres, ce ne sera pas avant l’automne », ça ne peut pas être accepté. Vous avez bien raison de dire qu’il y a de la détresse psychologique, car il y en a. Certains se laissent aller, mangent moins. La perte d’autonomie de certains résidents risque de s’accentuer. Il faut réagir. On a parlé et on parle encore au ministère de la Santé : il faut trouver une solution, parce que quand il va commencer à faire beau, on ne pourra pas attacher tout le monde », révèle-t-il.

Une autre téléconférence est inscrite à l’agenda du président du RQRA pour ce soir.

Infantiliser

« Nous pensons notamment qu’il faut éviter de les infantiliser, nos aînés. J’ai un peu plus que 60 ans et je n’aime pas ça me faire dire quoi faire, alors je les comprends. Autre signe de la détresse, j’en ai entendu plaider « ce sera peut-être mon dernier été ». C’est dur d’entendre ça et d’entendre : « j’ai besoin d’aller à l’épicerie, j’ai besoin d’aller à la pharmacie, j’ai besoin de sortir. » Nous sommes en train de sonder les propriétaires de résidences pour aînés des régions et ce qu’on entend n’est pas très beau comme portrait », raconte Yves Desjardins.

« On va peser fort sur le bouton pour avoir des nouvelles rapidement », tranche aussi monsieur Desjardins.

Réfléchir

« Il y a un aspect dont on ne parle pas suffisamment, c’est toute la question de la santé mentale. Dans certaines résidences, on ne permet pas aux gens de circuler dans les corridors. C’est extrêmement lourd et on ne peut pas envisager de vivre ça encore pendant six mois, un an ou un an et demi. Ces gens-là ont le droit de vivre. Les résidences pour aînés vont devoir adapter leurs façons de faire en fonction de la nouvelle réalité », commente de son côté le maire de Rimouski, Marc Parent.

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