L’application mobile d’exposition au coronavirus devra respecter la vie privée
En audition jeudi devant la Commission des institutions pour participer à la consultation gouvernementale sur l’utilisation d’une application mobile de notification d’exposition au coronavirus, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a présenté une série de recommandations pour veiller à ce que l’outil technologique choisi respecte les droits et libertés de la personne, notamment les droits à la vie privée et à l’égalité.
« Vu l’état d’urgence sanitaire, la Commission comprend la nécessité, pour le gouvernement, de disposer de tous les outils, dont l’application, pour lutter contre le COVID-19 », indique d’entrée de jeu son président, Philippe-André Tessier. La Commission est toutefois d’avis que l’utilisation d’une application de notification d’exposition pour collecter de l’information et transmettre des données constitue une forme de surveillance qui entraînera nécessairement une violation du droit à la protection de la vie privée. Mais cette violation pourrait être conforme aux dispositions de la Charte, si l’utilisateur y a valablement consenti.
Consentement libre et éclairé
La Commission insiste pour que le consentement à la collecte, à l’usage et à la transmission des données soit libre et éclairé. Ce consentement devrait également se limiter à des fins précises, pour une durée déterminée, portant sur les données nécessaires et qu’il puisse être renouvelé régulièrement. La Commission recommande que l’on interdise à des tiers d’exiger l’utilisation de l’application et que l’on mette en place des mesures de surveillance et de contrôle pour que cette interdiction soit respectée. « Soulignons qu’il ne s’agit pas d’un libre consentement si un employeur, un commerçant, un établissement scolaire, un locateur, un fournisseur de services ou un particulier oblige une personne à utiliser l’application sous peine de refuser de transiger avec elle », explique M. Tessier.
Intérêt du gouvernement
En avril dernier, le gouvernement du Québec manifestait son intérêt pour l’utilisation d’une application dont l’adoption serait à la fois volontaire et respectueuse de la confidentialité des données. Dans le cadre de la consultation publique à laquelle la Commission a aujourd’hui participé, le gouvernement indique que l’application de notification d’exposition recherchée devrait répondre à deux objectifs. D’abord, informer la personne, par une notification, qu’elle s’est trouvée à proximité d’un individu ayant reçu un résultat positif à la COVID-19. Ensuite, protéger les autres, en cas de résultat positif à la COVID-19, en permettant de notifier de manière anonyme les personnes rencontrées au cours des 14 jours précédents.
« On ne sait pas quelle sera l’application choisie par le gouvernement, et encore moins quelles seront toutes ses caractéristiques et ses impacts sur la population », explique M. Tessier. « C’est pourquoi il sera nécessaire de soumettre cette application à une évaluation continue et transparente, effectuée par des instances indépendantes, en tenant compte des droits garantis par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne ».
Fracture numérique
Par ailleurs, la Commission craint les effets de la fracture numérique et invite le gouvernement à ne pas laisser de côté les personnes n’ayant pas les ressources économiques ou le niveau de littératie numérique nécessaire pour disposer d’un téléphone intelligent. En 2019, 77 % des adultes québécois détenaient un téléphone intelligent, contre 53 % chez les personnes ayant un revenu inférieur à 20 000 $ et 35 % chez celles âgées de 75 ans et plus. Il faudra que l’application s’adapte aussi aux besoins des personnes en situation de handicap, rappelle la Commission.
La Commission estime finalement que le fonctionnement de l’application doit être transparent et largement accessible, et qu’il faut déterminer qui sera responsable des éventuels dommages causés par son usage.