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La fusion municipale laisse un gout amer, même après 20 ans

Une partie de la ville de Rimouski, vue des airs (Photo courtoisie Armand Dubé)

Vingt ans après le processus qui a mené à une cinquantaine de regroupements municipaux à travers le Québec en 2001, les seuls élus municipaux qui semblent satisfaits de leur sort, dans Rimouski-Neigette, sont ceux qui n’ont pas fusionné avec Rimouski.

La ministre des Affaires municipales, Louise Harel, annonçait le 25 mars de cette année-là le regroupement de Rimouski et de trois localités, soit Rimouski-Est, Pointe-au-Père et la Paroisse de Sainte-Odile-sur-Rimouski. Les municipalités de Sainte-Blandine et Mont-Lebel furent ajoutées par la suite. Le Bic allait être annexé en 2009.

Au cours de l’année 2001, le gouvernement du Québec, dirigé par Lucien Bouchard puis Bernard Landry, avait décidé d’accélérer le mouvement de regroupement de municipalités entrepris au cours des années 1990. Le principal but de cette réorganisation était de rattacher les banlieues des grandes villes à celles-ci, dans l’espoir de réaliser des économies d’échelle.

Des élections municipales ont eu lieu entre le 4 et le  novembre 2001 pour élire les nouveaux conseils municipaux. Les conseils de ville des municipalités nouvellement fusionnées se rencontraient durant le mois de  2001, pour adopter le budget, les rôles d’évaluation et de taxation et les règlements municipaux afin d’éviter tout vide juridique au moment de la fusion.

Rimouski fut parmi les 20 municipalités fusionnées  officiellement au 1er janvier 2002, avec Chicoutimi, Gatineau, Lévis, Montréal, Quénbec et Saint-Hyacinthe, entre autres.  Dans la période comprise entre le   janvier 2001 et le 1er avril 2003, 42 municipalités étaient regroupées.

Lors de la campagne électorale de 2003, le chef du parti Libéral, Jean Charest, était venu mettre de l’huile sur le feu des mécontents en promettant aux municipalités qui le désiraient d’être partie prenante d’un processus de défusion.

« Resté barré »

Dix ans après la démarche, des études constataient que les fusions n’avaient pas permis de réduire le nombre de fonctionnaires municipaux, qui était de 68 000 au Québec en 2001 et de 107 000 en 2011.

« Je suis resté barré, comme un vieux borné! », lance l’ancien maire de Sainte-Blandine, Daniel Côté, ironique. « Je ne sais toujours pas pourquoi c’est arrivé et en principe, ça n’avait aucun bon sens! Ce sont les pressions politiques qui ont donné ce résultat. Que voulez-vous? Madame Harel (Louis, ministre des Affaires municipales) et madame Charest (Solange, députée) voulaient que ça passe, alors ça a passé! Alors on est passé dans le tordeur. On avait fait nos démarches, on avait suivi le « catalogue » comme il fallait. » Ce fut un exercice fastidieux qui aura duré un an, selon monsieur Côté.

« Mais les dés étaient pipés », insiste-t-il.

De maire à conseiller

Lors du regroupement, à Rimouski, deux maires sortants de municipalités fusionnées, Gilbert Saint-Laurent (Rimouski-Est) et Guy Leclerc (Pointe-au-Père) avaient cru bon être candidats pour devenir conseillers dans la nouvelle ville fusionnée.

« Pas le choix »

« Je pense que lors des quatre premières années qui ont suivi la fusion, ça avait du bon sens. La Ville semblait faire des efforts pour s’occuper de notre district. Mais depuis quelques années, ça fait pitié. On dirait qu’on nous a pris pour acquis après un certain temps et on cherche encore une façon de redynamiser le secteur. Je pense que la dernière vraie couche d’asphalte posée à Rimouski-Est remonte à l’époque où j’étais maire. Tous les concitoyens que je rencontre me le disent : Rimouski-Est est mal desservie. Si c’était à refaire, je me battrais peut-être pour conserver Rimouski-Est indépendante, mais dans le contexte de l’époque, les circonstances et la loi ne nous donnaient pas le choix. Nous avions les mains liées par les pressions politiques. Quand on a su qu’on était « faits à l’os », on a entrepris des discussions avec Rimouski pour protéger certaines choses », estime monsieur Saint-Laurent.

Acculés

« C’est bien loin tout ça. Je n’y pense plus vraiment. Je regarde ça aujourd’hui et c’est rendu tellement compliqué, que je ne crois pas que je referais de la politique. Ça n’a pas été une période facile. Ça a tergiversé pendant plusieurs mois. Il y avait toutes sortes de propositions et ça s’est terminé d’une drôle de façon. Je me suis souvent demandé pourquoi Saint-Anaclet n’avait pas aussi été regroupée avec Rimouski (NDLR : On aura la réponse plus bas). Je me pose encore la question. De notre côté, nous avons reçu un ultimatum. Nous n’avions pas le choix, sinon Québec nous enlevait nos paiements de péréquation. J’aurais aimé qu’on puisse faire comme Saint-Anaclet et voler de nos propres ailes, mais il aurait fallu augmenter nos taxes sans bon sens. On était acculés au pied du mur », ajoute Guy Leclerc.

Village irrésistible

Saint-Anaclet a livré bataille comme un village d’irrésistibles Gaulois raconte l’ex-maire Alain Dumas.

« Ce n’est pas pour rien que Saint-Anaclet a une rue qui s’appelle rue du 23 avril 2001. C’est la date à laquelle le conseil municipal de Saint-Anaclet, suivant l’avis de ses citoyens, a décidé de ne pas participer au regroupement. Nous avons tenu une consultation auprès des citoyens de Saint-Anaclet. Les gens étaient contre la fusion avec Rimouski à plus de 80%. Le conseil a donc décidé d’adopter une résolution informant la ministre qu’on ne se fusionnait pas. Ce fut une bonne décision : ça fait 20 ans et Saint-Anaclet va bien », se souvient-il.

Pour quoi faire?

« Saint-Anaclet va très bien et j’ai des bons souvenirs des événements, puisque je faisais partie du conseil municipal comme conseiller. Ça me rappelle que la députée nous avait dit que nous avions un seul choix à faire et que les options étaient « on embarque » ou « on n’embarque pas. » On disait toujours à nos interlocuteurs politiques que nous n’y croyions pas, mais qu’on suivait la démarche parce que le gouvernement du Québec voulait nous retirer notre péréquation. La dernière rencontre a eu lieu au Centre des congrès. J’ai demandé aux gens du conseil de Rimouski comment on pouvait convaincre les gens de Saint-Anaclet, alors que le salaire d’un conseiller à Rimouski était le même que le total du salaire des conseillers de Saint-Anaclet, à l’époque. Je leur ai dit que ce n’est pas là qu’on sauverait de l’argent », rappelle pour sa part le maire actuel de Saint-Anaclet, Francis Saint-Pierre.

« Vos employés, ai-je poursuivi, sont plus payés que les nôtres. Est-ce qu’on va épargner de l’argent en baissant les salaires de vos employés ou si les nôtres seront augmentés? Encore là, on ne sauvait pas une cenne. On a trouvé de bien meilleures alternatives à la fusion. On a développé comme alternative un modèle fort différent depuis le temps toutes les ententes intermunicipales possibles avec la ville-centre, par exemple pour les loisirs. Nous en avions d’ailleurs déjà plusieurs à l’époque. On voit bien que ça n’a pas donné grand’chose de plus, à part de créer un grand royaume avec la Ville de Rimouski. On demandait ce que ça donnait de plus en 2001 et on n’entendait pas d’arguments valables. Le 23 avril 2001 demeure une fate importante pour Saint-Anaclet. Le soir, le conseil municipal a adopté une résolution qui signifiait au gouvernement du Québec qu’on voulait demeurer une municipalité », ajoute-t-il.

Francis St-Pierre (Photo: courtoisie)

En croissance et performante

« Je suis passé de conseiller à maire et, aujourd’hui, je ne le regrette pas du tout d’avoir pris part à cette décision. Je crois que les citoyens de Saint-Anaclet aussi. Pour eux, ce n’était pas une option. Notre municipalité est en santé financière. Sa dette payable par l’ensemble des citoyens n’est que de 600 000 $. Ce n’est pas beaucoup. Nous faisons attention à certaines choses, aussi. La consommation d’eau potable est de 39% moins importante que la moyenne provinciale. Il y a quelques années, Saint-Anaclet faisait partie des 25 municipalités les plus performantes au Québec, sur le plan de la gestion des matières résiduelles. La population était d’environ 2 200 personnes il y a 20 ans et elle est maintenant d’environ 3 200 personnes. Nous manquons un peu de place pour accueillir plus de gens, mais nous travaillons sur des projets de développement résidentiel », conclut Francis Saint-Pierre, qui est aussi préfet de la MRTC Rimouski-Neigette.

Dans un second article à paraître, le journal le soir entend faire le bilan de ces 20 ans avec la Ville de Rimouski.

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