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Nouvelle de 19 h

« Le Québec a besoin d’un chien de garde contre les pesticides »

Le député Sylvain Roy dénonce une hausse éventuelle de l’utilisation du glyphosate
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Des voix s’élèvent pour un retour à une agriculture plus traditionnelle. (Source: Unsplash photos)

« Le monde selon Monsanto », ça vous dit quelque chose? Ce documentaire français du début des années 2000 dénonçait les maladies et les problèmes sociaux causés par l’utilisation du Roundup dans les champs agricoles, aux quatre coins du monde.

Un document qui donnait la chair de poule, mais qui semblait alarmiste à certains. Essentiellement, on démontrait que l’utilisation combinée du « Roundup » et de semences génétiquement modifiées permettent aux agriculteurs d’arroser d’un seul coup tout leur champ d’un pesticide qui détruit tout, sauf la semence brevetée, souvent du soya. Évidemment, il s’agit d’un gros gain d’argent, de temps et d’énergie pour les producteurs agricoles, mais qui n’est pas sans conséquence. C’est aussi le gros modèle de l’agriculture industrielle qui y est dénoncé.

Le documentaire soutient que le glyphosate, ingrédient actif du Roundup, cause le cancer. De plus, une telle méthode débouche inévitablement sur une surexploitation du sol. Elle donne des résultats impressionnants dans l’immédiat, mais la qualité et la quantité des cultures diminuent souvent de façon drastique dans les années subséquentes.

Consultation

Bayer, la compagnie mère de Monsanto, a entrepris des démarches récemment auprès du gouvernement fédéral du Canada et obtenu une consultation publique afin de faire passer la limite d’autorisation des résidus du glyphosate permise actuellement au Canada du simple au triple.

Chien de garde

Le dossier suscite peu de réactions jusqu’ici au Québec, sauf que le député de Bonaventure à l’Assemblée nationale, Sylvain Roy, lance aujourd’hui un cri d’alarme auprès des citoyens qui se préoccupent de l’environnement. Le journal a été également reçu un communiqué de Québec Solidaire qui dénonce aussi la démarche de Bayer.

« Le Québec a besoin d’un chien de garde pour le protéger des pesticides », affirme monsieur Roy en entrevue exclusive avec le journal le soir.

« Santé Canada veut autoriser une augmentation de 300 % de l’utilisation des pesticides dans la production alimentaire au Québec. Les études qui semblent légitimer cette demande proviennent de Monsanto/Bayer. La firme n’utilise presque jamais les études des chercheurs indépendants. Ça fait en sorte qu’on a un noyautage du processus décisionnel de Santé Canada d’homologation et d’autorisation qui est contrôlé en général par l’industrie », dénonce monsieur Roy.

Agence québécoise

« C’est extrêmement troublant. J’ai vu « Le monde selon Monsanto ». C’est une entreprise prédatrice qui fait pression sur les gouvernements pour avoir une pratique industrielle qui favorise ses produits, c’est clair. Ce n’est pas la première fois que je lance un cri d’alarme. Lors de la commission parlementaire sur les pesticides, j’ai demandé à ce que le Québec crée une agence de régulation et de réglementation des pesticides, parce que le fédéral ne fait pas le travail. Je vais repartir le bal. Il n’y a pas de levée de boucliers significative et je ne comprends pas. Je suis allé m’informer en Europe. Savez-vous ce qu’on pense de nous? Nous serions, avec les Américains, les « cheerleaders » de la promotion des pesticides. Nous sommes les pires… les pires! » s’exclame le député.

L’industrie

« À notre plus grand malheur, ces gens ont le contrôle sur notre industrie agricole. Ce que je demande, concrètement, c’est que la Financière agricole mette sur pied des programmes pour soutenir de manière importante les agriculteurs qui veulent réduire leur utilisation des pesticides. La majorité de la production agricole du Québec sert à nourrir le porc qu’on exporte. C’est une filière qui ne nourrit pas le Québec. C’est conçu pour l’ « agrobusiness », pour les grands producteurs de ce monde. Ceci étant dit, ce qu’on veut autoriser, c’est une hausse de l’utilisation du glyphosate qui va entraîner une hausse des cas de cancers et des problèmes de santé, au Québec. »

Sylvain Roy (Photo: courtoisie)

« La question fondamentale, c’est : allez-vous (le fédéral) faire ça? Si oui, allez-vous aussi augmenter les transferts de fonds en santé? Parce que ça va causer des problématiques de santé importantes! Ça prend un chien de garde québécois qui protégerait l’agriculture au Québec, avec des normes et des règles, notamment sur les pesticides. Une organisation qui serait transparente et qui fournirait des recherches réalisées par des chercheurs indépendants et non pas par Monsanto ou Bayer, sur la toxicité des produits. C’est ça l’enjeu. Il y a un problème d’opacité phénoménal », tranche Sylvain Roy.

L’intervention de monsieur Roy rappelle celle d’un sonneur d’alerte l’an dernier, qui déplorait la proximité entre les compagnies de production et les intervenants associés au gouvernement qui s’adressent aux agriculteurs. Il comprend cependant que ceux-ci sont pris entre l’arbre et l’écorce et n’ont pas le choix s’ils veulent survivre.

« Comment font-ils pour survivre? Ils vont prendre tous les moyens possibles.  Il n’y a pas un agriculteur qui a envie d’étendre des pesticides, mais si pour payer sa machinerie toujours de plus en plus coûteuse, il doit utiliser du glyphosate, pour traiter ses champs de manière uniforme et prématurée, pour avoir une récolte au bon moment, il va le faire. C’est pour ça qu’on devrait avoir des programmes québécois adaptés pour assister ces gens-là », exprime-t-il.

Appel aux citoyens

Notons que le député de Bonaventure invite les citoyens à réagir devant l’importance sanitaire de ce dossier.

« Le fédéral devait cesser les consultations mardi, mais a accepté de prolonger ça jusqu’en septembre, après avoir essayé de nous « passer ça » pendant que tout le monde ou presque est en vacances. Je l’ai vu et je l’ai dénoncé. J’invite la population et tous ceux qui sont préoccupés par la santé humaine et par l’agriculture, à contacter Santé Canada pour faire valoir leur opposition.

Le loup est dans la bergerie

Voici la réaction d’Émilise Lessard-Therrien, députée de Rouyn-Noranda-Témiscamingue et responsable pour Québec solidaire en matière d’agriculture, de pêcheries et d’alimentation, à propos de ce même dossier: 

« Le géant Bayer fait son profit sur l’herbicide Roundup, dont l’ingrédient actif est le glyphosate. Comment peut-on accepter que cette multinationale provoque une consultation publique sur la hausse des limites de ce produit? On a confié la bergerie au loup. Faire confiance à l’industrie des pesticides pour suggérer un changement aussi important que la quantité de résidus de glyphosate autorisée sur les légumineuses et les noix est simplement scandaleux », affirme la députée solidaire. 

Émilise Lessard-Therrien (Photo Facebook)


« Mais l’idée même de rehausser les résidus de pesticides sur les légumineuses est incompréhensible. Je suis incapable de m’expliquer comment Santé Canada peut ouvrir la porte à cette proposition. Au Québec, on veut des grains cultivés avec moins de pesticides pour notre santé et celle de l’environnement. Et revoir les normes pour favoriser quoi? Des denrées qui proviennent de l’étranger. Nos producteurs et productrices agricoles n’ont pas besoin de plus de compétition », fait valoir madame Lessard-Therrien.

Honteux

« Si vous aviez besoin d’une seule bonne raison de faire l’indépendance du Québec, Santé Canada vient de vous en fournir toute une. Le Canada est à genoux devant Bayer et c’est franchement honteux », conclut-elle.

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