La confiance s’effrite, au pire de la crise
Gestion du gouvernement caquisteLes réactions régionales à la conférence de presse tenue par le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, et le directeur national de la Santé publique, Horacio Arruda, aujourd’hui, pointent pas mal toutes vers la même direction : la confiance du public et des élus municipaux envers le gouvernement s’effrite.
Mis à part les considérations techniques, le ton du ministre au début de son point de presse ne laissait présager rien de bon. Mais plus encore, les citoyens apparaissent de plus en plus démunis, sceptiques et perdus dans les détails de l’application des mesures.
« La première chose à faire, c’est d’offrir nos vœux de bonne année, quand même, à tous les élèves du réseau scolaire, les enfants, qu’on aime tant, aux parents, au personnel scolaire et à tous les Québécois. Une année (qui s’annonce) difficile, bien sûr, qu’on entreprend dans une tempête, mais qu’on veut placer sous le signe de la résilience, ensemble. Le contexte sanitaire est difficile. Le variant est extrêmement contagieux. Mais avec les travaux qui seront faits et les précautions qui seront prises, nos écoles seront sécuritaires pour tous », a notamment commenté monsieur Roberge. Il a aussi utilisé le terme « temps difficiles » pour les semaines à venir.
Tests et détecteurs
Le retour en classe pour les cours en présence est prévu pour le 17 janvier. Parmi les mesures annoncées, il y aura 3,6 millions d’autotests réservés aux enfants du primaire et du secondaire. Le Ministère fera installer 50 000 lecteurs de qualité de l’air (détecteurs de CO2) dans les écoles dans les prochains jours. Le port du masque N35 n’est pas envisagé pour les enseignants, malgré des demandes en ce sens de divers organismes.
Mais pendant ce temps, les citoyens présents sur Facebook se questionnaient sur la disponibilité des tests dans les pharmacies, les enseignants qui seront contaminés, le port du masque et les consignes dans les garderies, l’enseignement postsecondaire, le couvre-feu, les parents contaminés, la pratique des sports, le sort des travailleurs de la santé, le port du masque en classe, etc. « On tourne en rond », résumait une citoyenne. Rappelons aussi que de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer une enquête publique sur la gestion de la crise, dont celle du député de Matane-Matapédia, Pascal Bérubé.
Confiance réduite
Le journal a contacté deux élus de la région, les préfets Francis Saint-Pierre, de Rimouski-Neigette, et Bruno Paradis, de La Mitis, pour obtenir leurs commentaires sur la présentation du ministre Roberge. Tout en leur faisant remarquer que pendant une certaine période de la crise, les élus régionaux appuyaient unanimement le gouvernement caquiste dans ses consignes aux citoyens.
« On a plus de chances de passer à travers quand on se serre les coudes, mais au moment où il y a le plus de contamination, on se trouve dans une phase critique de la crise sanitaire. Tandis que les hospitalisations augmentent chaque jour, on en arrive à un moment où le lien de confiance s’amenuise entre la population et le gouvernement du Québec. Je constate que les gens qui suivaient les directives de bonne grâce et parfaitement, depuis des mois, commencent à se poser des questions. Je pense qu’on commence à avoir besoin de meilleures explications. Les gens ne sont pas conscients de l’ampleur de la crise. On dirait que les gens ont de la difficulté à suivre les directives actuelles et sont moins convaincus de leur nécessité », remarque monsieur Paradis.
Élections et cohésion sociale
Monsieur Paradis fait remarquer qu’il y aura des élections à l’automne. S’il n’élabore pas à ce sujet, on peut aussi se demander si la crise sanitaire sera toujours en cours au moment du déclenchement de la campagne électorale. Si le gouvernement dirigera encore par décret. Si cela jouera en faveur du gouvernement sortant.
« Je ne sais pas si c’est une question de qualité de communication ou de qualité des mesures en place, mais visiblement, le pourcentage de la population qui appuyait les mesures est entrain de s’effriter. Je trouve ça dangereux pour la cohésion sociale. C’est le danger. Est-ce que le monde va décrocher? Est-ce que ça va être pire? Est-ce que le gouvernement a pris de mauvaises mesures ou est-ce qu’il les a mal expliquées? », s’inquiète monsieur Paradis.
« Tu payeras pour »
« Le problème, c’est toujours d’obtenir l’adhésion des gens. Ça fait bientôt deux ans que ça dure. Aujourd’hui, le gouvernement n’a plus tellement le choix. Pendant les vacances des Fêtes, il a ramené les vaccinés au même rang que les non-vaccinés. Ce n’est pas le geste qu’il aurait dû poser. Il aurait dû dire aux gens non vaccinés que leur accès à certains lieux serait encore plus limité. On en parle de plus en plus. Si tu n’es pas vacciné, tu feras livrer ton épicerie au lieu de t’y rendre et tu payeras pour! Il faut toujours se rappeler que la liberté des uns se termine où elle empiète sur celle des autres. De forcer la vaccination ne serait pas la bonne solution. Mais à cause de ceux qui n’ont pas suivi les règles, ceux qui les ont suivies subissent les inconvénients », constate Francis Saint-Pierre.
« Ça me pue au nez »
« Je ne pense pas que monsieur Legault se lève le matin en se disant « qu’est-ce que je vais faire aujourd’hui pour écoeurer le peuple? » Je comprends qu’il est en élection à l’automne. Si on était en temps normal, tous auraient de la visibilité jusqu’à l’automne, tandis qu’aujourd’hui, l’espace public est occupé par le gouvernement. Ce que Legault aurait dû faire ces derniers mois, c’est ce qu’il a fait au début. Il rencontrait les partis d’opposition, leur expliquait les choses et demandait qu’on porte tous le même message. Là, maintenant que le gouvernement agit seul, les partis d’opposition sont mécontents et partent en vrille avec ça. Madame et monsieur tout le monde, en voyant ça, se demande ce qu’elle ou il doit en penser », commente monsieur Saint-Pierre.
« Monsieur Legault demandait aux partis d’opposition de se prononcer sur le champ quand il les rencontrait à propos de la crise. Maintenant, plus on va s’approcher d’octobre et plus tous les partis voudront occuper un espace médiatique en utilisant la crise, dans la dissension. On risque de se retrouver à jouer avec la vie de nos concitoyens. Moi, je n’adhère pas à ce genre de politicaillerie autour d’un enjeu aussi sérieux. Ça me pue au nez; ça n’a pas sa raison d’être. Entendez-vous entre quatre murs, à Québec, et envoyez donc un message d’unité dans l’adversité », lance Francis Saint-Pierre.
Du côté des enseignants aussi
Le journal a aussi joint le président du Syndicat de l’enseignement de La Mitis, Jean-François Gaumond. « Diriez-vous que la confiance envers le gouvernement s’effrite autant du côté des enseignants que des citoyens? »
« Exactement! Le ministre de l’Éducation a été un fantôme dans les dernières semaines et là, on nous l’a sorti pour pas grand-chose. Il y a l’éducation, mais il y a la société en général. On en est même rendu à ce que des gens contestent le couvre-feu. Les gens se rendent compte que le gouvernement ne prend pas toujours les bonnes décisions dans sa gestion de la crise. Pour en revenir au ministre de l’Éducation, ça fait deux ans qu’on demande de la bonne ventilation et ce qu’on nous offre, c’est ne sont que des détecteurs. Le mot le dit : ça détectera le CO2, mais ça ne l’enlève pas. Ce n’est pas un échangeur d’air. On dirait que les réponses qu’on nous fournit ne font l’affaire de tout le monde. On a l’impression de jouer dans le même film depuis deux ans. »
Par ailleurs, le ministre a fait un « beau cadeau » de fin de vacances aux enseignants, souligne monsieur Gaumond : « On a appris que les cours vont d’abord se faire à distance, donc à partir on doit préparer les plans de cours en virtuel, à la course, pour les adapter, à compter de demain. On suit les mesures qu’on nous demande, mais en même temps, on est un peu tanné de toujours devoir se tourner sur un 10 cents. C’est sûr que la confiance s’effrite de notre côté aussi, il n’y a pas de doute. »