Une ligne qui ne devrait pas être franchie

Une affaire survenue en début de semaine dans l’Ouest du territoire bas-laurentien laisse perplexe quant au climat qui règne actuellement au Québec, en raison de l’impatience générale face à la situation sanitaire.

Le maire de Saint-Cyprien, préfet de la MRC de Rivière-du-Loup et président de la Table régionale des élus municipaux du Bas-Saint-Laurent (TREMBSL), Michel Lagacé, a été victime d’intimidation par un individu non identifié. Quelqu’un a posé une affiche artisanale disant « « Fuck » Lego » sur son terrain. C’est le jeune fils de monsieur Lagacé qui l’a aperçu en premier et, aussi banal que cela pourrait sembler aux yeux de certains, le geste a inquiété les membres de la famille de monsieur Lagacé. Il a d’ailleurs porté plainte à la SQ, mais il n’y avait pas de eu de développements au moment d’écrire ces lignes.

Conséquences insoupçonnées

Ce même geste aurait pu avoir de nombreuses conséquences, parfois même insoupçonnées. Un passant aurait pu croire que cet élu impliqué et respecté au niveau provincial, autant que régional, était devenu un « anti X » et un adversaire du premier ministre. Le simple fait de penser que cela se pourrait se reproduire et de s’interroger sur ce que pourrait être une étape ultérieure amène à conclure que l’on ne peut accepter un tel geste. Monsieur Lagacé avance d’ailleurs qu’il a vu et accepté bien des choses en politique, mais qu’il considère que cela dépasse les bornes.

« Dans le fond, c’est quelqu’un qui manque de jugement, à l’évidence, qui a fait ça. Il faut faire une différence entre le lieu public et le lieu privé. Le lieu privé étant ma résidence et le lieu public étant le bureau municipal ou le bureau de la MRC. Ces bureaux sont toujours ouverts et qui que ce soit voulant discuter avec moi des difficultés ressenties en lien avec la présente pandémie sait où me trouver. Je ne suis jamais loin de mon téléphone, ainsi que de mon bureau. »

Une épreuve de plus

Michel Lagacé marque un point quand il signale que les proches d’un politicien aussi actif que lui n’ont pas à subir ce genre de contretemps, alors qu’ils acceptent déjà les sacrifices que la vie publique demande.

« Ce n’est vraiment pas intéressant. Surtout pas pour ma conjointe et mon petit gars. Déjà qu’ils se privent d’un conjoint et d’un père depuis plusieurs années et régulièrement pour que je puisse vaquer à la chose publique, ils ne méritent pas de vivre ce stress. On aura beau dire que ce n’est qu’une pancarte, ma conjointe me demandait « ça commence par une pancarte, ça va être quoi, après? » Ça entraîne des craintes dont on pourrait se passer. »

Tête chaude

« On sait qu’aujourd’hui, ça ne prend pas grand-chose pour qu’une tête chaude devienne encore plus chaude et que la vapeur lui sorte par les oreilles. On le voit présentement que le climat est difficile. Je dirais que 100% des Québécois sont tannés, là, et j’en suis. Mais ce n’est pas parce qu’on est tanné qu’il faut absolument aller indisposer une famille. Il faut savoir qu’en dehors de ma vie publique, le soir, j’ai droit à ma vie privée. Il faut savoir s’arrêter de temps à autre », fait remarquer monsieur Lagacé.

Aucun rapprochement à faire!

On pourra se demander par ailleurs quel est le lien effectué par l’auteur du méfait entre le premier ministre Legault et un élu municipal comme monsieur Lagacé.

 « Je n’ai aucune influence. Personne ne m’appelle pour me consulter sur la contagion. Ni le premier ministre ni le Dr Boileau de la Santé publique. Ni même le Dr Arruda auparavant. On ne me demande pas (à ce niveau-là) : « Pis Michel, qu’est-ce que t’en penses? » Ce n’est pas comme ça que ça fonctionne. Il ya une cellule de crise très réduite autour du premier ministre et ce ne sont pas la région du Bas-Saint-Laurent ou le préfet de la MRC de Rivière-du-Loup qui vont dicter la voie à suivre par rapport à la gestion de la pandémie. Ben non! »

Avec un grain de sel, Michel Lagacé affirme ne pas avoir été sollicité pour remplacer le chef de la CAQ.

Empathie

L’incident vécu par monsieur Lagacé suscite de l’empathie chez ses collègues, dont le préfet de la MRC Rimouski-Neigette, Francis Saint-Pierre.

« Ce qu’on fait, nous les élus municipaux, c’est du service public. On a beau dire qu’on est payé, on fait souvent des heures supplémentaires. J’invite ceux qui en doutent à faire le tour de la rémunération des élus municipaux, ils y verront qu’il y a une bonne partie de bénévolat. Et je ne connais pas un seul élu qui ne soit pas animé de bonnes intentions. En tout cas, je n’en connais aucun qui se lève le matin en se disant : « qu’est-ce que je vais faire aujourd’hui pour faire du « trouble »? Nous sommes tous de bonne foi. Je respecte les citoyens; je ne suis grossier avec personne. On sait fort bien qu’il nous arrive de rencontrer des gens impolis, mais je garde toujours mon calme, car après tout, le citoyen est comme un client qu’on dessert, car l’entreprise, c’est la Municipalité. »

« Vraiment, ce n’est pas parce que nous sommes des élus que nous n’avons pas droit à notre vie privée. » -Francis Saint-Pierre

« Ça n’a pas sa place de tenter d’intimider des gens. Avec ma stature, il n’y a pas grand-chose qui me fait peur, mais quand mes enfants étaient jeunes, je n’aurais certainement pas aimé que quelqu’un vienne sur notre terrain tenter de nous intimider. Vraiment, ce n’est pas parce que nous sommes des élus que nous n’avons pas droit à notre vie privée », tranche Francis Saint-Pierre.