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Nouvelle de 18 h

Quand le centre de crise… est en crise!

La dégradation des services se poursuit
Le nombre de suicides n’a peut-être pas augmenté pendant la pandémie, mais la détresse, oui. (Photo: Unpslash photos)

La grogne des travailleurs sociaux et communautaires monte encore d’un ton à l’approche du prochain budget provincial (22 mars) et les problèmes se multiplient.

La crise de la main-d’œuvre est venue aggraver une situation déjà empirée par la crise sanitaire. La dispensation des services s’en ressent complètement, a constaté le Journal Le Soir ces derniers jours.

Ainsi, nous avons déniché un exemple frappant démontrant à quel point la situation va de mal en pis. Le Centre de prévention du suicide et de crise du Bas-Saint-Laurent a dû fermer ses cinq chambres réservées à de l’hébergement de crise ou transitoire. Le service est suspendu faute de personnel. Le service téléphonique conventionnel ne permet pas de joindre l’administration, même si la ligne d’urgence demeure accessible. Le Centre affiche sa recherche de personnel qualifié sur son site Internet.

Le Centre est un organisme communautaire qui est financé par le gouvernement du Québec à partir d’une mission bien définie qui répond à des normes.

Mission

« Le Centre de prévention du suicide et d’intervention de crise du Bas-Saint-Laurent (CPSICBSL) est un organisme communautaire dûment constitué et reconnu comme œuvrant en santé et services sociaux. Il a pour mission principale la prévention du suicide et des situations de détresse, ainsi que le mandat d’intervenir lorsque des situations de détresse sont présentes », précise l’organisme sur son site Internet.

« Pour bien accomplir sa mission principale et ainsi atteindre des résultats significatifs, il se doit de mettre en place de forts liens de partenariat autant dans le domaine de la prévention que celui de l’intervention, d’agir auprès des proches des personnes en détresse », ajoute-t-on.

Plus de situations de crise

L’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ) indiquait, à l’occasion de la Semaine de prévention du suicide, début février, que si les suicides n’ont pas augmenté avec les contraintes de la pandémie, les situations de crise ont bien connu une hausse.

« Au cours de la première année de la pandémie, en 2020, les visites aux urgences pour tentatives de suicide et lésions suicidaires ont diminué comparativement aux années précédentes. En 2021, on constate au contraire une augmentation marquée, en particulier chez les jeunes filles de 15 à 19 ans. Les visites aux urgences pour les idées suicidaires ont grimpé de 15 %, et les tentatives de suicide de 23 % en deux ans pour ce groupe. Heureusement, cela ne se traduit pas par une hausse des suicides, qui reste relativement basse chez les jeunes filles. »

Surchargés

Le député de Rimouski, Harold LeBel, est au courant de la situation et la déplore évidemment.

« Les gens du Centre sont pas mal comme les autres, surchargés. Depuis le début de la pandémie, on est impliqué dans la Cellule de soutien et de crise de Rimouski-Neigette. Les groupes communautaires en font aussi partie et on peut voir leur épuisement depuis les deux dernières années. Les groupes de soutien alimentaire sont touchés, tout comme les services d’aide en relation avec la santé mentale et de nombreux autres. Il y a beaucoup de pression sur les groupes communautaires. Les problèmes s’accumulent. C’était déjà difficile avant la crise sanitaire », commente monsieur LeBel.

Vocation

Les besoins de financement sont évalués à 20 M$ pour le Bas-Saint-Laurent seulement et ce chiffre ne semble pas abusif, si l’on tient compte des faibles salaires du personnel. On observe par ailleurs un déplacement de gens compétents du secteur communautaire vers le secteur public.

« Les gens du secteur communautaire ne sont pas là pour le salaire, comme on dit. Ils sont là par vocation. Parce qu’ils sont aussi des militants sociaux. Tu crois à ta cause. Il faut se le dire, ce sont des groupes qui se sont créés avec les besoins du milieu. Mais on a perdu du personnel, parce que quand t’es débordé par un événement comme la pandémie et que le réseau public manque de personnel, que tu peux améliorer ton sort, avoir un fonds de pension, tu y vas. La vocation, un moment donné, elle te rattrape. Je me souviens avoir rencontré une dame de la Côte-Nord qui avait défendu beaucoup de gens me dire : « Dans un mois ou deux, c’est probablement moi qui aura besoin du groupe que j’ai toujours défendu, parce que c’est moi qui va être pauvre. » »

Des clientèles s’entrecroisent

Les clientèles sont rendues qu’elles s’entrecroisent. Des retraités sont de plus en plus en situation de pauvreté et s’ajoutent aux autres clientèles dans le besoin.

« Dans les années 2000, un gouvernement du PQ voulait faire une loi contre l’exclusion sociale  et la pauvreté, ce qui était du jamais vu. On estimait qu’avec les chiffres sur l’assistance sociale, on aurait un portrait de la pauvreté, mais ce n’est plus ça du tout. Il y a beaucoup de travailleurs au salaire minimum qui sont dans la pauvreté; des aînés qui n’ont pas de revenus. Quand j’ai fait mon colloque sur bien vieillir dans Rimouski-Neigette, il y a deux ans, on avait constaté que 95% des aînés en milieu rural avaient besoin du supplément de revenu garanti », mentionne le député LeBel.

« Un organisme communautaire comme le Centre de prévention du suicide et de crise du Bas-Saint-Laurent est financé par le réseau public sur la base de sa mission. Il est lié à une livraison de services. Souvent, il y a des problèmes de reconnaissance quand une organisation élargit sa mission et fournit des services dont la valeur est difficile à évaluer. Il y a deux expressions que les gens comprennent plus ou moins, c’est le financement des organismes « à la mission » et les organismes communautaires autonomes. C’est parfois important pour ces organisations de demeurer autonomes sans être collés à un programme du gouvernement », explique aussi monsieur LeBel.

Le député Harold LeBel. (Photo: courtoisie)

Celui-ci a diffusé le communiqué ci-joint en fin d’après-midi.

« La psychiatrie déborde »

Le coordonnateur de l’organisme de défense des droits des personnes à faible revenu Action Populaire Rimouski-Neigette, Michel Dubé, renchérit : « Le secteur communautaire ne peut pas concurrencer le Centre intégré de santé et de services sociaux sur le plan des conditions de travail. S’en suit un manque de personnel, alors que la pandémie a brûlé les intervenants qui travaillent au Centre de prévention de suicide et de crise du Bas-Saint-Laurent. Ça prive les gens de services. Le département de la psychiatrie de l’hôpital déborde, présentement. Je sais que des gens qui avaient des suivis en psychiatrie ne sont plus desservis. Au Centre de crise, au moins, le service téléphonique est toujours là. Mais, oui, le service d’hébergement était important, surtout dans une période où il y a aussi une crise de logement. »

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