Un fondateur du Lab-École défend son projet
En réponse aux questionnements et aux commentaires émis par les lecteurs du Journal Le Soir à la suite de la première pelletée de terre qui a eu lieu pour le lancement des travaux ce mardi, le Journal s’est entretenu avec Pierre Thibault, l’architecte du projet.
Monsieur Thibault a entre autres répondu aux interrogations que soulève le coût du Lab-École de Rimouski.
« On a commencé ce projet il y a quatre ans. Le projet a pris aussi de l’expansion, les maternelles quatre ans n’étaient pas là : nous avons rajouté quatre maternelles. On sait qu’une maternelle coûte 1 million, donc cela fait déjà quatre millions de plus. Et les coûts de construction, c’est phénoménal. Les écoles, même si elles ne sont pas du Lab-École subissent la même pression à la hausse, donc nous n’avons rien à voir dans cette hausse de coût. »
Il assure cependant qu’il ne devrait pas y avoir une autre hausse de prix : « C’est un contrat à forfait, autrement on s’engage à le faire à ce prix-là donc il est lié contractuellement donc il ne peut pas y avoir de hausses. »
Construire plutôt que rénover
Les lecteurs étaient également plusieurs à se demander pourquoi investir dans la conception d’un tel projet, plutôt que de se concentrer à rénover les écoles déjà présente sur le territoire de Rimouski.
« Il y a 500 enfants dans la nouvelle école. Et nous, on a créé un laboratoire, donc on veut expérimenter de nouvelles façons d’enseigner. Nous avons regardé les meilleures pratiques à travers le monde et au Québec et on s’est dit : comment réinventer l’école ? Alors c’est certain que de réinventer l’école dans une école déjà existante, ce n’est pas évident. On ne dit pas qu’il faut démolir les écoles existantes, loin de là, mais on s’est rendu compte qu’il y avait un nouveau quartier et on souhaite que les enfants aillent à l’école à pied. C’est extrêmement important dans leur cursus que les enfants, idéalement, aillent dans une école de quartier et qu’ils puissent s’y rendre à pied. Tout ce secteur de Rimouski s’est développé donc c’est pour ça qu’ils avaient besoin d’une école là. »
« On ne veut pas que les enfants prennent l’autobus, ça coûte une fortune par enfants. Cela émet des gaz à effet de serre, les enfants sont assis alors que les enfants qui arrivent à pied, il est dans de meilleures dispositions pour apprendre. Pour de saines habitudes de vie, c’est important. C’était l’idée aussi de dire : on va démontrer que plus d’espaces pour collaborer, plus d’espaces pour manger, pour bouger, ça va créer le meilleur milieu de vie pour les enfants. Donc vous êtes chanceux à Rimouski d’avoir une école innovante, qui montre la voie avec ses nouvelles pédagogies donc vous avez un Centre de service scolaire qui recherche ce qui a de plus avancés en termes de pédagogie pour favoriser la réussite éducative des enfants. »
Rendre service aux enfants ?
Un autre lecteur a souligné le fait qu’un enfant qui fréquenterait le Lab-École pour ensuite se retrouver à l’école Langevin ou l’école Saint-Jean, risquerait d’être déstabilisé par la différence entre les deux lieux.
« Ce que l’on veut, c’est permettre le développement du plein potentiel des enfants. On veut les armer, justement, le plus possible pour faire face à la vie. Donc je pense que s’il a eu la chance de travailler dans un contexte comme ça, sa formation va l’emmener plus loin alors je ne pense pas qu’un enfant comme ça qui va aller dans une autre école, il aura été bien préparé. C’est aussi ça l’éducation.
Il ajoute que le concept du Lab-École, partout au Québec, est basé sur le principe de l’innovation :
« On a un groupe de chercheurs de quatre universités qui vont en mesurer l’impact positif sur les enfants. Donc on va voir comment le fait d’avoir une nouvelle pédagogie, d’avoir des espaces appropriés pour les enfants, avec une grande cour et plus de nature, quel en est l’impact positif. On fait ça pour l’ensemble du Québec. On va choisir du mobilier qui va être mieux approprié. Donc c’est une locomotive cette école. Elle va être parmi les locomotives du Québec pour montrer les meilleures façons de faire. On va mesurer ces façons de faire avec les chercheurs en pédagogie pour ensuite de dire, dans ce que l’on a fait, probablement qu’on n’aura pas 100 %. Il y a des choses ou des aménagements que nous aurons faits qui aurons été très positif et d’autre moins et ces études vont servir à concevoir les prochaines écoles. On va vers l’innovation et je pense que c’est ça qui est important. »
Un travail de recherche fourni
Non seulement l’équipe du Lab-École fait appel à des chercheurs pour mesurer l’impact positif de son projet après coup, mais elle a également étudié et recensé 2000 à travers le monde pour se donner une idée de la marche à suivre adéquate.
« Le groupe principal est composé de chercheurs de l’UQAM à Montréal. Il y a aussi des gens de l’Université Laval, de l’UQTR et on a aussi deux universités, Cergy près de Paris et l’autre qui est en Suisse, mais j’oublie le nom de l’Université. Donc ce sont des chercheurs reconnus qui vont commencer avec le Lab-École de Québec, qui lui est terminé cette année et pendant quelques années ils vont étudier tout ça et graduellement ils vont faire part de leurs données, pour avoir les données probantes, pour savoir quels sont les meilleurs aménagements qu’on a faits. Ils sont 18 chercheurs. »
« En fait nous avons recensé 2000 études à travers le monde. C’est madame Louise Clément qui est chercheuse à l’Université Laval au Département des fondements et pratiques en éducation. Ce que l’on va chercher, c’est les bonnes pratiques. Au Québec, à l’étranger, on veut savoir qu’est-ce qui se fait de meilleur. Donc ces gens en pédagogie ont regardé à travers les études ce qui démontrait qu’il y avait de meilleures retombées. On sait qu’un enfant qui a plus de lumière naturelle, une meilleure ventilation est dans de meilleures conditions et à de meilleurs résultats. C’est tout ça les études qu’on fait. Et on est allée voir les projets en Scandinavie, en Suède, en Finlande. »
Le modèle de la Finlande
« Ces gens-là, en Finlande, ont de meilleurs résultats dans les tests internationaux que nous. Alors on va voir là, qu’est-ce qu’ils ont fait qui a favorisé une meilleure réussite éducative et est-ce que c’est transposable ? C’est dans cet esprit-là qu’on va chercher les meilleurs exemples au monde parce qu’on dit, on veut devenir nous aussi les meilleurs au monde, qu’est-ce qui faut faire pour ça. Et il y a des exemples qui sont québécois dans des domaines o.u on a bien fait donc on veut prendre partout les bons exemples pour faire en sorte qu’à Rimouski, il y ait toute l’information pour aller dans la meilleure direction. »
« On a développé par exemple un principe de cours d’école où il y a des espaces extérieurs, des classes extérieures, donc ce que l’on veut montrer c’est que la cour – on a fait une publication –là-dedans – c’est que concevoir la cour de demain, et bien les cours qu’on va faire là aura certainement des impacts positifs sur les cours de toutes les autres écoles de Rimouski et de la région du Bas-Saint-Laurent donc les gens vont voir un bon exemple et ils vont pouvoir voir l’impact que ça a sur les enfants. On est en train de voir le nouveau mobilier parce qu’on parle de pédagogie différenciée, ça prend du nouveau mobilier et il y aura du nouveau mobilier dans cette école, mais ce nouveau mobilier pourra être dans toutes les autres écoles aussi. Ce qu’on veut c’est emmener un bon exemple et peut-être que ça amènera dans le temps à modifier, à réaménager les écoles existantes ailleurs à Rimouski et dans le Bas-Saint-Laurent. Donc nous ce que l’on veut c’est que tout ce qui est là ensuite servent à migrer pour aller vers les autres. Ce ne sera pas en un ou deux ans, mais sur cinq, dix ans, graduellement on veut que ces bonnes pratiques-là ne soient pas juste dans l’école du Lab-École, mais dans toutes les écoles de la région. »
Une inégalité entre les élèves ?
Pour conclure, lorsque questionné sur la disparité que peut créer le Lab-École, Pierre Thibault est d’avis qu’il s’agit d’un processus.
« À terme oui, pendant quelques années ils vont être plus avantagés, mais ils vont servir d’exemple pour toutes les écoles du Québec donc à un moment donné il faut en faire, une, deux ou trois parce que si on ne va pas vers là, on n’évolue pas donc ça en prend quelques-uns qui sont en avant de la parade pour guider les autres ».