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« Plus violent qu’avant la pandémie »

Les opinions divergent sur le parc Lepage
Une partie de la salle lors de l’assemblée d’information, hier soir. (Photo: journallesoir.ca, Pierre Michaud)

Le partage d’information n’a pas permis dans en arriver à un consensus entre élus, intervenants, citoyens, parents, adolescents et membres du comité élargi contre la violence au parc Ernest-Lepage, hier soir, à l’hôtel de ville de Rimouski.

Depuis la dernière rentrée scolaire, on constate une recrudescence de la violence dans le parc Ernest-Lepage, situé sur l’avenue Rouleau, mais la situation semble encore plus grave que ce qu’on pensait, depuis qu’un citoyen a été ciblé par un mineur doté d’une arme à air comprimé tirant des balles de plastique, en avril.

Le parc est situé tout près des écoles secondaires Saint-Jean-Baptiste (2e rue) et Paul-Hubert (12e rue), pour un total de 3 300 élèves. Les intéressés ont été invités à une assemblée publique, hier, où on a retrouvé une assistance de quelque 35 personnes, d’anciens conseillers du district, des parents, des jeunes, des intervenants spécialisés et deux citoyennes qui proposent que l’on transforme l’ancienne maison du gardien du parc en maison des jeunes, Claire Dubé et Chantale Marin. Pour ces dernières, une telle maison permettrait d’occuper les lieux et de prévenir la délinquance.

Un décor du parc Lepage, dont les zones ombragées se prêtent bien à des activités illicites. (Photo: capture d’écran YouTube-Pierre Giroux)

De quoi faire frémir

Il semble que l’incident ne soit que la pointe de l’iceberg. Les événements racontés par le policier Steeve Bouillon, responsable du poste de la Sûreté du Québec de la MRC de Rimouski-Neigette, et par le conseiller responsable du district Saint-Robert, où se trouve le parc, Jocelyn Pelletier, ont de quoi faire frémir.

On parle de bagarres organisées avec spectateurs, filmées pour diffusion sur les médias sociaux, où plusieurs des quelque 150 membres de l’assistance encouragent un des combattants à pousser l’autre dans un escarpement. On parle de trafic de stupéfiants, de règlements de compte, d’une adolescente poursuivie par des tireurs de « paintball », de mutilations volontaires, d’armes blanches. On parle de recrutement de bandes organisées et rivales à l’intérieur de l’école, de voies de fait avec séquelles permanentes, d’armes blanches, d’actes sexuels.

Le lieutenant Steeve Bouillon, le maire Guy Caron, le conseiller Jocelyn Pelletier et le directeur des écoles Langevin et Saint-Jean, Michael Fiola. Monsieur Pelletier se disait encore bouleversé par les images de caméras de surveillance qu’il a consultées. (Photo: journallesoir.ca, Pierre Michaud)

Avertis rapidement

Le tout amplifié par les réseaux sociaux, qui permettent également aux jeunes de communiquer rapidement entre eux, quand des policiers se présentent à l’entrée du parc, alors que « la gang » se retrouve dans une autre partie d’où elle peut se disperser avant l’arrivée des agents de la SQ.

Les problèmes « se transportent de l’école au parc et du parc à l’école ». La banalisation de la violence et la baisse de l’empathie sont pointées du doigt.

Des joueurs de football de l’équipe les Pionniers du Cégep de Rimouski sont allés rencontrer des jeunes pour les sensibiliser contre la violence, l’automne dernier. (Photo: journallesoir.ca, archives)

Le plus criminogène

« Si nous avons la volonté de nous occuper du parc Lepage, c’est parce que c’est le secteur le plus criminogène de la MRC », a mentionné le policier Bouillon.

Le maire, Guy Caron, a bien expliqué que le projet de maison des jeunes est intéressant et que la ville est réceptive. Mais, d’une part, cette juridiction ne relève pas de la Ville, qui pourrait quand même accompagner le projet, et d’autre part, la Ville a besoin d’une solution à un problème immédiat. Les maisons de jeunes relèvent du réseau des affaires sociales et il faudrait plusieurs mois pour évaluer les travaux à réaliser, effectuer ces travaux et réaliser un montage financier. « Il ne faut pas mettre les différentes initiatives en opposition », a-t-il souligné.

Chantale Marin a pris le micro pour mousser le projet de maison des jeunes, mais celui-ci ne répond pas aux préoccupations urgentes, selon le maire Caron. (Photo: journallesoir.ca, Pierre Michaud)

Identifier les contrevenants

Le conseil municipal envisage de fermer le parc sur l’heure du dîner pendant la période scolaire, ce qui déplaît à une partie de la population. Mais pour la Ville, en « fermant » le parc, les policiers pourraient identifier les contrevenants, leur délivrer des constats d’infraction et atteindre ainsi les parents des délinquants. Car c’est surtout à l’heure du dîner que ça se passe. De plus, selon nos informations, on retrouve davantage d’élèves de l’école Saint-Jean au cœur du problème que d’élèves de l’école Paul-Hubert.

« Il ne faut pas se leurrer. On ne débat pas ici de l’accès du public au parc, mais d’un problème de violence et de sécurité qui menace nos jeunes. Il faut éviter que ça aille trop loin. Qu’est-ce qu’on dirait si un jeune était blessé? Pourquoi la Ville savait et n’a rien fait? », a réfléchi tout haut monsieur le maire.

Troublé par les images

« Je suis encore troublé par ce que j’ai vu sur les vidéos de surveillance. Nous avons besoin d’une mesure temporaire pour cesser l’hémorragie », a notamment commenté le conseiller Pelletier, qui s’est dit conscient qu’un certain problème de délinquance au parc a toujours existé, mais que le degré de violence « est bien pire après la période de la COVID qu’avant. »

Difficulté à faire consensus

À la fin de la soirée, la Ville semblait toujours considérer la fermeture sur l’heure du dîner, mais une décision officielle n’est pas encore rendue tant que le règlement n’est pas adopté en assemblée publique. Dans l’assistance, beaucoup de gens semblaient butés sur l’idée d’une réduction de service à la population qu’entraînerait une réduction des heures d’accès, tandis que la Ville tentait d’expliquer que le futur règlement se voulait temporaire pour une situation urgente. Une adolescente membre du gouvernement étudiant, Haley Guimond, estime que la Ville ne va pas dans la bonne direction et devrait plutôt adopter une démarche inclusive envers les jeunes concernés.

Interrogé sur la difficulté de faire consensus. Le maire Caron a mentionné ce matin, en entrevue avec le Journal Le Soir : « C’est un enjeu complexe et c’est normal que les gens aient différentes perspectives et peuvent avoir différentes façons d’envisager le problème. Ce qui m’a beaucoup interpellé, c’est pourquoi ces jeunes-là font ça? Ça m’interpelle beaucoup, cette question. »

Une scène de l’assemblée d’information d’hier soir, à l’hôtel de ville. (Photo: journallesoir.ca, Pierre Michaud)

Plus de violence

Diriez-vous qu’il y a plus de violence depuis la crise sanitaire? « Effectivement. Ça peut être un signe de mal-être, de perte d’empathie. Le confinement nous a isolés. Il faut tenter de trouver des explications, mais aussi trouver des moyens d’agir. Le point qu’on aimerait que les gens retiennent, c’est que ce n’est pas une question de parc, c’est une question de sécurité de nos jeunes. On doit avoir ça en tête. L’information qu’on a pu échanger et recevoir, on va prendre tout ça en considération, au niveau de la Ville, mais aussi du comité élargi, et nous allons nous rencontrer le 8 juin pour continuer à traiter de la problématique », croit Guy Caron.

D’ailleurs, au sujet du climat social, dans un article diffusé dans Le Soir pendant la crise sanitaire, la psychologue Geneviève Beaulieu-Pelletier avait prédit la montée de problèmes sociaux.

Note discordante

Un enseignant en éducation spécialisée bien connu et membre du comité, Luc Jobin, rencontré par le Journal Le Soir après l’assemblée, apporte une voix discordante. Il rappelle que le scénario envisagé par la Ville n’est pas issu d’une recommandation du comité. Lorsqu’on lui demande s’il croit que les gestes posés par les jeunes sont plus violents qu’avant la pandémie comme le croient messieurs Caron et Pelletier, il indique : « Ce n’est pas ce que nous disent les travailleurs de rue qui sont sur le terrain. »

Réaction de monsieur Caron

L’auteur de ces lignes a signalé cette intervention au maire Caron, ce matin.

« Je ne contredis pas ça. Encore une fois, il ne faut pas comprendre que ce qu’on propose est la solution; c’est un élément de la solution. C’est une solution temporaire, pour aider, pour accompagner l’intervention sociale, de la police et des écoles, notamment. Monsieur Jobin a sa perspective et il a le droit de l’avoir, c’est bien correct, mais d’autres intervenants sociaux vont dire que c’est une mesure qui pourrait être utile également, alors on prend tout ça en considération », répond le maire.

Réaction de la ministre Guilbault

La vice-première ministre du Québec et ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, était à Rimouski ce matin pour inaugurer le nouveau poste de la MRC Rimouski-Neigette. Elle a été invitée à commenter l’éventuelle fermeture du parc, ce matin. « J’aimerais savoir ce que pense la ministre de la Sécurité publique d’une ville qui songe à fermer un parc municipal (NDLR : en raison de problèmes de violence) », a demandé le collègue Michel-Felix Tremblay, de Radio-Canada.

« Oui, c’est préoccupant. En fait, j’étais dans un autre coin du Québec, dernièrement, et on vit un peu la même chose, mais le soir. Il y a des jeunes, on doit embaucher des agents de sécurité, mais on n’ose pas trop intervenir. Ça nous démontre combien c’est important d’avoir une police qui est communautaire et de proximité, parce qu’il y a des jeunes qui ne commettent pas nécessairement des méfaits criminels, mais font des choses qui font en sorte que les gens n’ont pas envie d’y aller. Ça peut être dérangeant d’être dans un endroit réputé où pour avoir de la violence ou de la violence potentielle. C’est important d’avoir tout le volet de la prévention et de tenter de comprendre. Ces jeunes peuvent éprouver un manque d’alternatives constructives dans la vie; un manque de sentiment d’appartenance à la communauté. Le fait de travailler avec des partenaires nous permet aussi non seulement d’aider les victimes, mais aussi de prévenir et d’aider nos jeunes à faire autant que possible de bons choix », a déclaré madame Guilbault.

La ministre Guilbault à Rimouski, ce matin. (Photo: journallesoir.ca, Pierre Michaud)
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