La crise du logement frappe de plein fouet
En ce 1er juillet qui marque la période des déménagements, la ville de Rimouski traverse une sombre période à cause de la crise du logement qui sévit depuis les dernières années et qui semble s’être amplifiée en 2022, tandis que la pénurie de logements et la hausse des loyers se font sentir et que plusieurs locataires doivent faire face à des menaces d’évictions.
C’est ce que rapporte le coordonnateur de l’organisme communautaire Comité logement, Alexandre Cadieux. Son équipe et lui se retrouvent en plein centre de cette crise. En date du 30 juin, en milieu d’après-midi, 25 ménages de la MRC n’avaient pas encore de bail.
« Ça ne se passe pas bien. Nous avons environ 25 ménages qui sont à risque d’être sans logis, qui n’ont pas de bail pour le 1er juillet. À titre de comparaison, je viens tout juste de parler à une journaliste de Montréal qui me disait qu’il y en a 77 dans cette situation à Montréal. Si on fait la proportion pour une ville de plus d’un million de personnes, à Rimouski, nous sommes à 25 ménages pour la MRC. C’est quand même énorme. »
Menaces et pratiques abusives
Il n’est pas seulement question de se trouver un logement et de pouvoir se le permettre : plusieurs locataires sont victimes de tentatives de harcèlements et de pratiques abusives : « Les propriétaires ne sont pas contents, ils veulent louer pour plus cher, louer à d’autres personnes : « Tu vas t’en aller le 1er juillet et si tu restes tu payes 70 $ de plus par mois » ou « si tu restes, tu dois te débarrasser de ton chien. »
« Je me suis retrouvé à conseiller à plusieurs personnes qu’à moins que ce ne soit absolument nécessaire, de ne pas partir de leur logement le 1er juillet pour éviter que le propriétaire mette les gens à la rue « de force », en vidant le logement pendant leurs absences », raconte monsieur Cadieux.
Une période angoissante
Sans surprise, cette situation accable la santé mentale des locataires : « Les gens qui nous appellent sont stressés, anxieux. Il y en a beaucoup qui pleurent. Ça peut paraître anecdotique, mais dans le dernier mois, le nombre de personnes qui m’ont appelée et qui étaient sur le bord des larmes ou qui ont commencé à pleurer pendant que je parlais. Les gens sont vidés. On parle souvent de santé mentale, avec la COVID ou comme un enjeu en soit, mais la santé mentale, avec la situation de logements en ce moment, elle en prend un sacré coup », ajoute-t-il.
Lui qui travaille chez Comité logement depuis septembre 2019 remarque que cette année est encore pire que les précédentes en ce qui concerne la crise du logement.
Trois problèmes majeurs à attaquer
Comité logement identifie trois aspects qui posent problème et proposent des mesures pour s’en sortir.
« Premièrement, avant de parler de mesures très précises, il faudrait qu’il y ait des gens qui représentent l’intérêt public, l’intérêt collectif – supposément nos élus – qui ait une vision à long terme. Si on parle des enjeux de logements et qu’on veut parler sérieusement de résoudre une crise aussi grave, il faut se donner une vision structurante et quelque chose sur le long terme avec des investissements qui vont en conséquence. Une fois qu’on a accepté cette posture et que nous sommes prêts à prendre les choix politiques et les investissements financiers qui sont nécessaires, on peut regarder c’est quoi le problème principal de la crise du logement. Les principaux problèmes : il n’y a pas de logement, les logements que nous avons sont trop cher et les personnes qui ont la chance d’avoir de bons logements qui ne sont pas trop chers, risquent tout le temps de se faire mettre dehors. Que ce soit par des reprises, des évictions, des tentatives répétées de harcèlements. On a juste là trois gros problèmes auxquels il faut s’attaquer. »
Des logements à l’extérieur du marché privé
« Pour l’existence de logements et l’existence de logements accessibles, on le dit depuis longtemps, il faut développer et investir pour des logements sociaux communautaires. Ça peut être des HLM, des coopératives d’habitation, des OSBL d’habitations, qui sont à l’extérieur du marché privé. C’est-à-dire que les prix des loyers ne seront pas déterminés par l’offre et la demande, soit certains logements dont le prix ne sera pas déterminé comme s’ils s’agissaient de simples marchandises, parce que quand on fait ça, il y a une grosse majorité de la population qui est considérée comme pauvre ou comme étant de la classe moyenne, qui ne peut tout simplement pas se le permettre. Ça ne fonctionne pas. Il faut qu’une bonne partie du parc de logement locatif au Québec soit développé à l’extérieur de ces mécanismes, de prix fixés selon l’offre et la demande. Si on veut vraiment offrir quelque chose de qualité, pour des prix raisonnables sur le long terme – autrement dit, sortir de la crise du logement sur le long terme.
Mettons que l’on se ramène sur le moyen terme, le marché privé représente en ce moment au Québec 90% du parc de logement locatif. On ne peut pas juste attendre qu’il y ait assez de logements sociaux qui soient développés pour que tout le monde à faible revenu soit logé. La majorité des gens sont logés sur le marché privé et le principal problème de ça, dans une région comme celle de Rimouski ou encore au Bas-Saint-Laurent, c’est la hausse des prix des loyers qui est fulgurante en ce moment. Même si l’inflation est élevée, on remarque que l’augmentation du coût des loyers est de loin supérieure au taux d’inflation moyen. Il faut mettre en place des mécanismes de contrôle des loyers, efficaces, qui sont obligatoires. Quand ils ne sont pas obligatoires, comme c’est le cas en ce moment, c’est dans les temps de crise et de pénurie qu’ils sont le moins utilisés. Quand on a le plus besoin des contrôles de loyers que les mécanismes actuels ne soient pas utilisés, ils ne fonctionnent pas.
Pour finir, il faut renforcer les lois en lien avec les évictions, les reprises de logements, etc. pour s’assurer que l’appât du gain, en tant que propriétaires, pendant une pénurie de logements, fait en sorte que les gens qui n’ont rien fait de mal, qui ont toujours payé leur loyer soient en mesure de rester dans leurs logements », explique monsieur Cadieux.
Les contributions monétaires
En ce qui concerne les contributions monétaires demandées aux locataires sans-logis en contrepartie d’un hébergement temporaire d’urgence, le Comité logement rapporte qu’il n’y a pas eu d’ouverture de la Ville.
« On a eu une rencontre avec le maire Caron et la conseillère Mélanie Bernier qui est en charge du dossier de l’habitation à la Ville de Rimouski. Il n’y a vraiment pas eu d’ouverture de la Ville pour bouger de ce côté-là. On a demandé s’ils pouvaient au moins envisager d’enlever, voir réduire les tarifs pour les personnes à faible revenu, par exemple les personnes qui bénéficient déjà du crédit socialité. La Ville disait qu’il s’agit d’un montant symbolique, mais 400$ par mois, pour des gens sur l’aide sociale qui se font 726$ par mois, ce n’est pas symbolique, c’est plus que la moitié du budget. Finalement, ils nous ont dit non. »