Pour un accès équitable aux plans d’eau
Il y a aura bientôt 20 ans que le gouvernement du Québec a adopté la Politique Nationale de l’eau.
Il s’agissait à l’époque de répondre aux enjeux écologiques et de santé publique, tout en prenant en compte certains facteurs politiques internes et externes. Cette politique devait marquer un tournant en matière de gestion des ressources en eau et du statut de l’eau.
Cette même politique laissait entrevoir un avenir prometteur pour la pêche sportive alors qu’il y est statué que « Favoriser les activités récréotouristiques constitue donc la cinquième orientation de la Politique nationale de l’eau qui s’articule autour de trois axes d’intervention : étendre l’accès à l’eau et favoriser le développement de la pêche récréative au Québec, favoriser la sécurité nautique et promouvoir le tourisme nautique ».
La Stratégie québécoise de l’eau 2018-2030 a récemment pris le relais de cette politique. Encore une fois, l’accès aux plans d’eau est mis de l’avant, tel qu’en témoigne l’objectif 4 de ladite refonte, libellé « Favoriser l’accès aux plans et cours d’eau ». L’alinéa 4.4.2 va encore plus loin, en ciblant directement le déploiement du « […] Programme accès aux plans d’eau pour la pêche récréative ». Malgré ce qui semble être une ferme volonté politique de faire de l’accès aux cours et plans d’eau du Québec une priorité (vous en avez d’ailleurs fait une promesse électorale lors des dernières élections), force est d’admettre que cette priorité demeure théorique à ce jour.
Les Québécois ont de plus en plus de difficulté à avoir accès au fleuve, aux lacs et aux rivières du Québec, pourtant considérés comme notre or bleu national. Le confinement ayant revigoré l’engouement des Québécois pour les activités nautiques causant un achalandage accru de certains petits lacs en région, de nombreuses municipalités ne réservent maintenant l’accès aux plans d’eau de leur territoire qu’à leurs résidents.
Qui plus est, certaines municipalités n’hésitent pas à restreindre l’accès aux plans d’eau de leur territoire à leurs propres citoyens non riverains. 2 Les municipalités qui, quant à elles, permettent l’accès à leurs rampes de mise à l’eau imposent des tarifs de plus en plus importants. Il est maintenant difficile de mettre une embarcation sur remorque à l’eau à un tarif inférieur à 50 $ par jour, certaines municipalités y allant même de tarifs quotidiens avoisinant les 500 $.
Un nombre croissant de municipalités n’offrent plus de tarif quotidien et optent pour une vignette saisonnière à des coûts variant de 150 $ à 600 $. De nombreux Québécois peinent donc à trouver des rampes de mises à l’eau convenant à leur budget et, s’ils y parviennent, doivent parcourir de nombreux kilomètres pour s’y rendre. Les familles à revenu modeste possédant de petites embarcations n’ont tout simplement plus les moyens de pratiquer leur activité nautique favorite.
Le Collectif pour un accès équitable aux plans d’eau, qui regroupe l’Association des pêcheurs sportifs du Québec, l’Alliance de l’Industrie nautique du Québec, Canot Kayak Québec, Eau vive Québec et Québec Subaquatique, la Fédération de Voile du Québec, la Fédération québécoise des chasseurs et des pêcheurs, ainsi que la Fondation Rivières, soutenus par plus d’une centaine d’organismes et d’entreprises de l’industrie et du commerce, considère que des actions concrètes doivent être mises en place afin de redresser la situation problématique de l’accès aux plans d’eau de la province.
Le tout, évidemment dans le respect de la capacité de support du milieu, de la préservation des milieux naturels et de la lutte aux espèces aquatiques exotiques envahissantes. Nous avons tenté d’entreprendre un dialogue avec plusieurs villes et municipalités ayant récemment changé leur réglementation à l’égard de l’accès aux plans et cours d’eau de leur territoire. Malheureusement, les élus municipaux n’ont pas donné suite à nos demandes de rencontres. À quelques reprises déjà, le Collectif a tenté d’interpeller divers ministres du gouvernement du Québec ainsi que vous, Monsieur le premier Ministre, sur cette problématique.
Encore une fois, nos efforts sont restés lettre morte. Ne pouvant que constater ce qui semble être le désintéressement des villes et municipalités à répondre positivement à nos demandes de dialogue, et devant l’inaction du gouvernement du Québec dans ce dossier jusqu’à ce jour, le Collectif pour un accès équitable aux plans d’eau publics réclame, et ce, sans délai :
• L’imposition d’un moratoire aux villes et municipalités riveraines du Québec sur tout changement relatif à l’accès aux plans d’eau publics du Québec;
• L’établissement d’échelles de coûts standardisées, équitables et raisonnables pouvant être exigées par les municipalités pour l’utilisation des infrastructures d’accès et des stations de lavage d’embarcations;
• La reconnaissance de la prépondérance du principe de précaution devant le constat du déclin des plans d’eau publics du Québec accessibles aux pêcheurs sportifs et autres usagers; • La clarification de la position du gouvernement du Québec et de l’Union des municipalités du Québec quant à l’accès aux plans d’eau publics du Québec;
• La création d’un comité de travail conjoint sur le sujet. Ce comité pourrait être dirigé par le ministère des Affaires municipales et de l’habitation et le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, et complété par le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, les fédérations fauniques membres de la Table nationale de la faune et les membres du Collectif.
En marge de cette demande d’action ciblée, et à la veille des élections provinciales du 3 octobre prochain, le Collectif demande aux partis politiques de clairement nous indiquer quels seront leurs engagements et leurs objectifs en matière de préservation et de développement des accès publics au fleuve Saint-Laurent ainsi qu’aux lacs et aux rivières de l’ensemble du Québec ? Pourriez-vous nous indiquer si vous serez en mesure d’aborder prioritairement ce dossier qui touche une multitude de villégiateurs dans toutes les régions du Québec et de répondre aux attentes du Collectif ? Il y a maintenant 45 ans, le ministre Yves Duhaime amorçait le grand déclubage, sonnant le glas des clubs privés de chasse et de pêche au Québec. À cette époque, la forêt n’était accessible qu’aux riches Américains et propriétaires de compagnies, et les rares Québécois y ayant accès étaient, pour la majorité d’entre eux, proches du pouvoir politique.
Les Québécoises et les Québécois doivent-ils comprendre que nous assistons au retour de ces clubs? Malheureusement, la question se pose en toute légitimité. Dans l’attente d’un retour de votre part, monsieur le Premier ministre, nous vous transmettons nos plus cordiales salutations.
Le Collectif pour un accès équitable aux plans d’eau
André Bélanger, directeur général de la Fondation Rivières
Stephan Bourgeois, président de l’Association des Pêcheurs Sportifs du Québec
Julie Crépeau-Boisvert, directrice générale d’Eau Vive Québec
Yves Léger, président de la Fédération de voile du Québec
Marie-Christine Lessard, directrice générale de Québec Subaquatique
Pierre Marquis, directeur général de Canot Kayak Qc
Marc-André Loyer, président de l’Alliance de l’industrie nautique du Québec/Nautisme Québec
Marc Renaud, président de la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs