Les obligations à escompte pour accroître vos rendements après impôt
Avant 2022, les taux d’intérêt offerts sur le marché suivaient une tendance baissière, provoquant une quasi-absence d’obligations à escompte. Ce type de placement n’était donc pas mis de l’avant dans les portefeuilles d’investissement.
Par rapport à ce que nous avons connu dans la dernière décennie, le changement de trajectoire des taux en 2022 a transformé l’univers du revenu fixe. Et c’est dans ce contexte que les obligations à escompte, après avoir pratiquement disparu du paysage, ont regagné en popularité au sein de cette catégorie de placements.
Dans cet article, nous allons démystifier les obligations à escompte pour montrer comment elles peuvent s’avérer intéressantes dans un portefeuille de placement. Ce produit, la plupart du temps sous-utilisé, offre pourtant des bénéfices indéniables.
Principe d’une obligation à escompte
Pour bien comprendre le principe d’une obligation à escompte, il faut d’abord connaître le mécanisme derrière l’actif financier portant le nom d’« obligation ». Qu’elle ait été émise par un gouvernement ou par une entreprise, une obligation a habituellement un prix égal à sa valeur nominale de 100 $, soit le montant qui sera versé à l’échéance du contrat. En plus de recevoir ce montant garanti s’il conserve l’actif jusqu’à son échéance, l’investisseur touche également des versements périodiques d’intérêt, soit le « coupon ».
Une fois qu’une obligation a été émise, elle peut se négocier en tout temps, ce qui signifie que son prix varie en fonction de plusieurs facteurs – notamment les taux d’intérêt. Les prix des obligations et les taux d’intérêt évoluent de manière inverse, c’est-à-dire que les prix diminuent lorsque les taux augmentent, et vice versa.
Ce mécanisme permet aux prix d’évoluer en fonction des mouvements des taux d’intérêt en vigueur dans l’économie. Comme le taux d’intérêt offert par le coupon de l’obligation est fixe, un tel ajustement devient nécessaire en regard du prix payé pour :
- inciter les investisseurs à acheter les vieilles obligations sur le marché secondaire lorsque les taux des nouvelles émissions sont plus élevés;
- ne pas défavoriser les obligations nouvellement émises lorsque les taux du moment sont plus faibles qu’auparavant.
En résumé, l’investisseur paiera son obligation moins cher si les taux sont plus élevés au moment de l’achat que ce qui figure au contrat initial, et plus cher dans la situation inverse. On dira d’une obligation qu’elle est « à prime » lorsqu’elle se négocie au-dessus de sa valeur nominale de 100 $, et qu’elle est « à escompte » lorsqu’elle se négocie en dessous de 100 $.
Dans le cas des obligations, les variations de taux n’ont pas d’incidence sur l’investissement si l’actif est détenu jusqu’à son échéance. Le risque auquel fait face l’investisseur est lié à la probabilité de défaut de l’émetteur. Dans les faits, l’émetteur a le devoir de verser la valeur nominale et les intérêts prévus au contrat. S’il n’est plus en mesure de le faire, l’investisseur pourrait perdre son capital.
L’attrait des obligations à escompte
Dans l’environnement de marché actuel, plusieurs s’entendent pour dire que les obligations et les certificats de placement garanti (CPG) sont des actifs attrayants. Les craintes ayant émergé en 2022 ont poussé de nombreux investisseurs à se tourner, au cours des derniers mois, vers les CPG. Ces placements proposent effectivement des rendements élevés tout en assurant sûreté et prévisibilité. Cependant, lorsqu’on prend en considération les taux, la liquidité, l’imposition et le potentiel de gain en capital, les obligations apparaissent comme un choix plus attrayant. Tout compte fait, préférer un CPG à une obligation en ce moment, c’est faire fi de la possibilité que les taux sur le marché descendent et que la valeur des obligations détenues s’apprécie. Si, comme nous le croyons, la plupart des hausses de taux d’intérêt sont derrière nous et que des baisses sont envisageables à moyen terme, le gain en capital potentiel sur des obligations devient hautement intéressant.
En tant qu’investisseur, il faut considérer le rendement net d’impôt plutôt que le rendement brut. Au niveau fiscal, les revenus d’intérêts sont imposables à 100 %, tandis que les gains en capital le sont à seulement 50 %. Ainsi, les obligations à escompte offrent un avantage fiscal important comparativement aux obligations à prime et aux CPG : le détenteur d’une obligation à escompte profitera d’un revenu d’intérêt périodique plus faible que ce qu’offre le marché, mais il réalisera un gain en capital puisqu’il obtiendra une valeur nominale dépassant le prix d’achat. Comparativement au détenteur d’une obligation à prime ou d’un CPG, l’investisseur paiera une moins grande proportion d’impôt sur les revenus d’intérêt étant donné le gain en capital réalisé grâce à l’achat à escompte.
Voici trois scénarios dans lesquels les rendements à échéance sont les mêmes, mais où les rendements totaux nets d’impôt diffèrent :
Obligation à escompte | Obligation au pair | Obligation à prime | |||
Prix d’achat | 96,63 $ | 100,00 $ | 103,37 $ | ||
Taux d’intérêt du coupon | 1,5 % | 5,0 % | 8,5 % | ||
Rendement à l’échéance avant impôt | 5,0 % | 5,0 % | 5,0 % | ||
Revenu d’intérêts | Gain en capital | Revenu d’intérêts | Revenu d’intérêts | Perte en capital | |
Revenu/gain/perte | 1,50 $ | 3,37 $ | 5,00 $ | 8,50 $ | -3,37 $ |
Impôt (taux marginal de 50 %) | -0,75 $ | -0,84 $ | -2,50 $ | -4,25 $ | 0,84 $ |
Revenu après impôt | 0,75 $ | 2,53 $ | 2,50 $ | 4,25 $ | -2,53 $ |
Revenu total après impôt | 3,28 $ | 2,50 $ | 1,72 $ | ||
Rendement à l’échéance après impôt | 3,39 % | 2,50 % | 1,66 % |
* Les gains en capital sont présumés être imposés à la moitié du taux de 50 %, soit un taux effectif de 25 %. Les pertes en capital sont présumées être déduites d’autres gains en capital réalisés.
* La valeur nominale des obligations est de 100 $ et leur échéance est de 1 an.
Dans la dernière ligne du tableau ci-dessus, on remarque que c’est l’obligation à escompte qui réalise la meilleure performance après impôt. Le traitement fiscal sur les gains en capital avantage cette obligation et lui permet d’offrir un rendement supérieur de 35,6 % à l’obligation achetée à sa valeur nominale (style CPG) et de 104,2 % à celle achetée à prime. Il faut noter que cet exemple présente un cas où l’investisseur détient l’obligation jusqu’à son échéance, ce qui lui permet alors de récupérer la valeur nominale de 100 $.
Dans le cas d’un CPG, aucun gain en capital n’est réalisé, et l’investisseur paie de l’impôt sur 100 % des revenus d’intérêt. Le détenteur d’une obligation à prime, quant à lui, réalise une perte en capital qui réduit une portion de l’impôt à payer, mais comme les revenus d’intérêt sont plus importants que dans les deux autres scénarios, la compensation n’est pas suffisante pour l’avantager.
Notre point de vue
Selon nous, les produits de placement à court terme, ceux du marché monétaire ainsi que les obligations sur les marchés des capitaux sont à privilégier dans la situation actuelle. Conserver inutilement des liquidités n’est pas une stratégie bénéfique, compte tenu des rendements peu élevés offerts dans les comptes d’épargne stable, soit généralement entre 1 % et 2 %. Dans l’environnement économique actuel, il est possible d’obtenir des rendements de plus de 4 % du côté du marché monétaire et avec les obligations de grande qualité offertes sur le marché.
D’ailleurs, pour un horizon de placement de plus d’un an, les obligations à escompte deviennent avantageuses étant donné l’attrait des gains en capital d’un point de vue fiscal. En raison de cet avantage, ces obligations doivent idéalement être détenues dans un compte non enregistré.
Nous comprenons que l’année 2022 a pu être difficile pour les détenteurs de placements à revenu fixe. Les profils conservateurs n’ont pas été épargnés. Cependant, les hausses successives de taux d’intérêt ont ouvert un monde de possibilités dans cette classe d’actif. Nous croyons qu’il est primordial, pour les investisseurs, d’être à l’affût des nombreuses options d’investissement. Nous espérons que ce texte vous aura permis de mieux comprendre le fonctionnement d’une obligation.
Merci et bon mois d’août!
Gestionnaire principal de patrimoine
Consultez les chroniques financières de l’Équipe René Gagnon dans la section chronique finance, économie et investissement du Journal Le Soir.
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