Le port du masque obligatoire cause des problèmes aux malentendants
Le port du masque ou du couvre-visage sera obligatoire dans tous les lieux publics fermés à compter de ce samedi 18 juillet, une situation qui créée de l’angoisse chez les malentendants, comme Gabrielle Jean, de Saint-Fabien, technicienne en éducation spécialisée à l’école Paul-Hubert de Rimouski.
« J’ai 24 ans et je suis sourde de naissance. Je porte un implant cochléaire au quotidien. Je suis une fille qui fonce dans la vie. Je détiens en DEC en techniques en éducation spécialisée. Je passe ma vie à me battre pour les droits des enfants. Je passe ma vie à m’adapter et à leur trouver des moyens pour qu’ils fonctionnent dans la vie de tous les jours », mentionne celle qui doit maintenant se battre pour le respect de ses droits.
Comme plusieurs malentendants, Gabrielle doit lire sur les lèvres pour comprendre ce qu’on lui dit. « Bien sûr que le masque est pour notre protection et notre santé, mais ce qu’il faut comprendre ce que pour les personnes comme moi, c’est un véritable enfer. Le masque bloque le son, l’accès à la lecture sur les lèvres qui est la porte d’entrée pour la compréhension. À chaque fois que je suis confrontée à ce genre de situation, j’ai seulement le goût de pleurer. Je ne le fais pas parce que je n’ai pas fini de me battre pour faire comprendre cette réalité aux gens », témoigne-t-elle.
Des employés de pharmacies refusent d’enlever leurs masques même à 4 mètres
Gabrielle Jean considère totalement inacceptable que des employés de pharmacie refusent d’enlever leur masque, même à quatre mètres de distance pour qu’elle puisse comprendre plus facilement les recommandations pour la prise de médicament.
« Que des employés d’une épicerie me crient après et qu’ils perdent patience après moi lorsqu’ils me posent des questions d’usages comme voulez-vous un panier madame ? ou que des gens me critiquent lorsque je leur demande d’enlever leur masque pour que je puisse mieux comprendre ce qu’ils veulent me dire alors que j’en porte un moi-même et que je suis à trois mètres de distance d’eux, c’est aberrant et inadmissible. Toute ma vie, j’ai cherché une certaine forme d’indépendance et là on vient me l’enlever », déplore celle qui estime que le gouvernement doit agir pour les personnes malentendantes.
« Jamais mon handicap ne m’a autant handicapé »
« Mon conjoint doit m’accompagner chaque fois que je dois aller faire des commissions pour me permettre de mieux comprendre les gens. Jamais au grand jamais que mon handicap ne m’a autant handicapé. Je ne cherche pas la pitié, mais à sensibiliser les gens. Je n’ai jamais laissé mon handicap m’imposer des limites dans ma vie. Plusieurs personnes ne me croient pas que je suis malentendante, mais pourtant oui. Je porte un implant cochléaire tous les jours qui me permet d’avoir une audition semblable à la vôtre. Mais, je dois parfois utiliser la lecture labiale (sur les lèvres) pour venir en support à mon audition », indique Gabrielle.
Même chose pour Geneviève Parent
Geneviève Parent, de Notre-Dame-des-Neiges, dans les Basques, vit les mêmes difficultés. « J’ai une surdité de moyenne à sévère des deux oreilles depuis toujours. Je dois lire sur les lèvres pour pouvoir comprendre ce que l’on me dit. Le masque cache les lèvres, ce qui m’empêche de pouvoir discuter ou demander ce que je veux, comme par exemple à la pharmacie ou à l’hôpital où le personnel porte des masques opaques. Beaucoup de malentendants appréhendent le port du masque obligatoire dans les transports en commun et les lieux publics », mentionne Mme Parent.
Des masques transparents
Consciente de l’importance du port du masque pour éviter la propagation du virus, Geneviève Parent, à l’instar de l’organisme Audition Québec, ne réclame pas l’abandon du masque, mais plutôt des incitatifs au port d’un masque transparent. « Ça existe aux États-Unis, mais ça prend l’homologation de Santé Canada avant de pouvoir être utilisé ici. Avec un masque transparent, les gens seraient protégés et les personnes malentendantes seraient rassurées. C’est insécurisant de savoir que quelqu’un nous parle sans comprendre ce qu’il nous dit. Ça devient aussi difficile pour nous de demander ce qu’on veut ou de répondre aux questions du personnel du réseau de la santé par exemple », précise-t-elle.
Du matériel d’identification
L’organisme Audition Québec fournit des macarons à ses membres avec une inscription personne malentendante lisant sur les lèvres. Graphiste de métier, Mme Parent a aussi fabriqué des cocardes pour elle et des amis afin que les gens qu’elles croisent sachent qu’ils doivent lire sur les lèvres. « Avec un masque on ne voit pas les lèvres, ni les expressions du visage, qui souvent nous aide à comprendre le message », mentionne celle qui déplore que le gouvernement et la Santé publique aient mis du temps à penser aux malentendants pendant le confinement. « Cela a pris du temps avant que les points de presse aient des interprètes. C’est comme si on nous avait oubliés. Même chose quand ils ont commencé à recommander le port du masque. Ils n’ont pas pensé à nous ».
Audition Québec tente de faire autoriser le plus rapidement possible le port du masque avec fenêtre.