Logement : « La volonté politique fait défaut »
Guy Labonté appelle Québec et Rimouski à faire davantageLa crise du logement atteint son sommet à Rimouski, alors que la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL) annonçait ces derniers jours que le taux d’occupation atteint un plafond historique de 99,8%.
La statistique, formulée ainsi par choix rédactionnel, nous semble plus éloquente que la donnée officielle qui est plutôt formulée en termes d’inoccupation à 0,2%, le quatrième plus bas au Québec.
Le Journal Le Soir a dégoté quelques explications et pistes de solution. D’abord, pour les raisons qui expliqueraient le manque de logements à Rimouski. Le coût des matériaux de construction rend pratiquement impossible la rentabilité d’édifices à logements. De plus, les entrepreneurs en construction qui seraient potentiellement des constructeurs d’habitations sont trop en demande dans le secteur institutionnel et le secteur commercial.
Les aînés hésitent de plus en plus à quitter leur logement pour aller en résidence pour personnes âgées, compte tenu de ce qui a été propagé sur le traitement qu’on leur accorde pendant la crise sanitaire. On s’accroche au maintien à domicile. Par ailleurs, le gouvernement de la CAQ n’a pas livré les engagements promis en campagne électorale.
« Ça ne fournit pas »
Tous ces obstacles appellent des actions plus concrètes et imaginatives à la fois. « À commencer par la volonté politique de la Ville et du gouvernement caquiste d’agir pour favoriser la construction de logements sociaux », affirme le coordonnateur du Comité logement Rimouski-Neigette, Guy Labonté.
« Ça mal! Ça va très mal! On a trop de personnes qui s’en viennent à Rimouski depuis les grands centres; on vit trop de séparations; le programme de logements sociaux n’avance pas assez vite. Le gouvernement n’investit pas assez. Les entrepreneurs ne construisent pas d’édifices à logements parce qu’ils devraient rogner sur la qualité pour arriver dans leurs coûts. Les coûts de construction sont très élevés, trop élevés. Les entreprises de construction n’ont pas de temps à mettre là-dessus, de toute façon. Il paraît même que ça ne fournit pas, présentement. En plus, le gouvernement ne met pas l’argent qu’il faut dans le programme Accès-Logis. On parle même d’abandonner le programme », constate monsieur Labonté.
La Ville a certains moyens
Dans son budget 2022, la Ville de Rimouski a prévu hausser sa cotisation dans son fonds réservé au logement de 130 000 $ à 260 000 $. « À la suite de la contribution de 2022, le fonds totalisera plus de 1 M$ », avait mentionné le maire, Guy Caron.
Interrogé sur les projets qui pourraient naître de ce programme, monsieur Caron avait indiqué que le dépôt de projets relevait essentiellement d’organismes comme les Habitations populaires de l’Est ou la Logeri.
Selon monsieur Labonté, la Ville peut être plus pro active par le biais de l’Office d’habitation Rimouski-Neigette (OHRN) qui pourrait mettre de l’avant plus de projets.
« La Ville ne mettra pas d’argent sur des projets privés, mais ce qu’elle peut faire, c’est mettre de l’argent pour faire sa part pour des logements sociaux. Quand tu es une Ville et que tu fais des projets de logements sociaux, le gouvernement va en fournir une partie et la Ville en fournit une partie. Et voilà comment on peut construire des logements sociaux pour les personnes âgées ou les plus pauvres. Mais depuis 2009, il y a eu un gouvernement libéral qui a cessé d’indexer les coûts du programme. Ça a créé une partie du déséquilibre qu’on retrouve aujourd’hui et la somme à fournir trop élevée décourage les villes et les municipalités », remarque aussi Guy Labonté.
200 000 $ « par porte » pour un 4 ½
D’ailleurs, à propos des coûts de construction, l’auteur de ces lignes a demandé à monsieur Labonté si l’évaluation de 100 000 $ par logement de quatre pièces et demi qui fut déjà la norme avait beaucoup changé. À sa connaissance, on parle maintenant de 200 000 $ « par porte » comme on dit communément.
Du rattrapage
« Si on avait indexé les coûts, on serait « pas pire ». Quand la CAQ est arrivée au pouvoir il y a bientôt quatre ans, elle avait promis 15 000 logements dans son mandat. Il reste huit mois à leur mandat et il y en a à peu près la moitié de fait. Si on parle de 7 500 logements, c’est nettement insuffisant. Ces 15 000 logements remontent à une programmation qui n’a pas été réalisée. C’est du rattrapage. Il y a eu une nouvelle programmation de 500 logements l’année dernière et une de 500 cette année. Juste à Montréal, on a besoin de bien plus que de 500 logements par année. La Coalition Avenir Québec n’a pas fait le travail », renchérit ce travailleur communautaire d’expérience.
Rimouski absente?
« Ça ne semble pas intéresser notre gouvernement plus que ça. Là, l’Union des municipalités du Québec (UMQ) vient de rendre public son programme sur l’habitation. On a vu une présentation de son président, Daniel Côté, et que des signataires prenaient des engagements, mais j’ai cru remarquer que Rimouski n’en fait pas partie et je me demande pourquoi. Pour vous dire le sérieux de la crise, on ne parle plus de trois et demi ou de quatre et demi disponibles. Tout ce qu’il reste, ce sont des chambres et des studios », commente-t-il également.
Besoin de 10 000 logements
Pour en revenir au rehaussement du fonds logement annoncé par la Ville, Guy Labonté précise : « Avec l’argent dont elle dispose, Rimouski pourrait construire 20 logements dès maintenant. On a des choses qui sont presque prêtes, mais on s’attend à ce que le gouvernement fasse sa part. L’Union des Municipalités demande 4 500 logements cette année, mais le regroupement dont nous sommes membres évalue à 10 000 logements les besoins minimums. »
On se souviendra par ailleurs qu’il y a environ 2 900 personnes à Rimouski qui doivent consacrer plus de 30% de leur budget à leur logement. Il arrive à peu près 400 nouveaux résidents à Rimouski, en moyenne ces dernières années, mais ce chiffre pourrait être affecté par la situation. « Tu ne peux pas faire venir des travailleurs ni des immigrants pour enrichir ton milieu, il n’y a pas de logements », signale monsieur Labonté.
Le taux d’inoccupation des logements a commencé à baisser à partir des années 2010. Il était alors autour de 5% et a alors commencé sa descente en flèche.