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Le 2000e match de Michel Germain

Michel Germain lors de la soirée hommage à Sidney Crosby, en septembre 2019. (Photo: courtoisie, L’Océanic)

(Rétrospective de 2021)-FÉVRIER-Début février, on soulignait le 2000e match de la carrière du descripteur radiophonique des matches de L’Océanic de Rimouski (LHJMQ).

Depuis 26 ans, le descripteur radiophonique des rencontres de L’Océanic de Rimouski (LHJMQ) aura fait connaître et aimer le hockey junior à des milliers de gens, apportant ainsi sa contribution personnelle à la popularité de l’équipe rimouskoise, mais il dit aussi devoir énormément au hockey.

Pour monsieur Germain, son intérêt pour le hockey a contribué à lui sauver la vie, après le drame qui a frappé sa famille. Le 15 décembre 1998, il perdait sa fille, Jennely, sa conjointe, Martine et sa mère, Georgette dans un tragique accident de la route. Il était alors au Peps de l’Université Laval, où il a été avisé de l’accident une heure avant la rencontre entre L’Océanic et les Remparts. Il soutient qu’il ne remerciera jamais assez le copropriétaire de l’équipe, l’homme d’affaires bien connu Maurice Tanguay, pour son soutien.

Le hasard fait quand même bien les choses. Le 2000e match de Michel Germain en fut un qui opposait l’équipe de la ville où il a grandi, Baie-Comeau, aux Cataractes de Shawinigan, dans une rencontre retransmise sur le site Internet de la Ligue de hockey junior majeure du Québec à 19 h. Les deux équipes jouaient dans l’environnement protégé (bulle) du Colisée de Rimouski. Le Drakkar n’avait plus de réseau radiophonique, alors il n’y avait pas de descripteur local disponible.

Le 15 décembre

« J’ai une amie qui me dit qu’il n’y a jamais de hasards. C’est assez incroyable que le Drakkar soit impliqué dans ce 2000e match décrit et que L’Océanic ne le soit pas. C’est arrivé une autre fois que le Drakkar était là à un moment marquant de ma vie. Pendant des années et des années, surtout grâce à Yannick Dumais, L’Océanic ne jouait pas le 15 décembre. Un moment donné, Yannick ne travaillait plus pour L’Océanic et personne n’a rechigné sur le calendrier et on s’est retrouvés à faire une rencontre un 15 décembre. C’est finalement arrivé. L’Océanic jouait un match un 15 décembre et c’était contre Baie-Comeau. C’est mon 2000e match de hockey derrière un micro, demain, mais pas seulement pour L’Océanic, car il faut se souvenir que j’ai aussi commenté trois parties d’étoiles et cinq parties de la coupe Memorial de 2009 à Rimouski qui n’impliquaient pas L’Océanic. Baie-Comeau sera toujours ma place natale », confiait Michel Germain.

Le match le plus fou et le match le plus mémorable

Le journal avait demandé à Michel Germain quelle est la rencontre la plus « folle » à laquelle il a assisté; comme descripteur et quelle a été la plus mémorable.

 « Pour la plus mémorable, il n’y a rien pour battre le match de la coupe Memorial du 28 mai 2000 que L’Océanic a remporté à Halifax. Pour le match le plus « fou », je me souviens d’une dégelée de 16-3 contre Québec en 2005-2006. Le match le plus long que j’ai trouvé à décrire! L’équipe de Rimouski n’était pas parmi les favorites cette année-là, dans l’après-Corsby, alors que les Remparts étaient très puissants. Alexandre Radulov avait récolté 11 points. C’est un affrontement qui m’a fait changer ma perception sur ce genre de rencontre à sens unique. On aurait pu en vouloir à l’instructeur-chef Patrick Roy de ne pas avoir levé le pied pendant la rencontre, mais j’ai réalisé deux choses par la suite: Radulov tentait d’établir un record. Les athlètes sont faits pour se surpasser. On ne doit pas tenter de les ralentir. Et puis, qu’il y a toujours un retour d’ascenseur. Surtout que le hockey junior est cyclique! Donc, « notre tour » viendra bien un moment donné! »

Michel Germain, à droite, sera toujours reconnaissant envers Maurice Tanguay, à gauche. (Photos: courtoisie)

Match intense

« Pour le match le plus fort en émotions, le summum a été le sixième match de la demi-finale entre les Remparts et L’Océanic, au Colisée de Rimouski, en 1998. On avait gagné 5 à 2 et si on perdait, il aurait fallu retourner à Québec. C’était la mouture qui comptait Vincent Lecavalier dans son alignement. C’était la première fois que les équipes de Jacques Tanguay (qui avait contribué à la naissance de L’Océanic, mais était devenu propriétaire des Remparts par la suite) et de Maurice Tanguay s’affrontaient en séries et le début de la plus grande des rivalités dans la Ligue. »

Premier contrat

L’Océanic a été la première équipe de la Ligue à présenter tous ses matches, à domicile autant que sur la route, sur son réseau radiophonique.

« Quand je me suis installé en 1995 avec monsieur Tanguay pour négocier mon premier contrat, il m’a dit : « Michel, il n’y a pas de précédent, donc on n’a pas de référence pour ton contrat. » Il m’a donc proposé de conclure une entente d’un an, pour voir. Il n’y avait pas encore un spectateur dans l’aréna. Le budget avait été fait à 2 400 personnes par rencontre et on se souvient que ça n’a pas été un problème d’attirer des foules au Colisée. Ça a été hallucinant et ce l’est resté longtemps (l’engouement des amateurs pour leur équipe). C’est allé aux séries avant qu’un autre réseau radiophonique diffuse des rencontres de la LHJMQ. Au moment de la signature du contrat, je ne pensais pas à des chiffres comme 1000, 1500 ou 2000 parties décrites. Au fil du temps, d’une année à l’autre, on atteint des étapes. On ne pense pas à des sommets importants. On ne sait pas ce que la vie nous réserve. Demain, ne nous appartiens pas. Il y a des choses qui changent très rapidement. Tu passes d’une étape à l’autre, mais jamais en pensant nécessairement à la prochaine », rappellait Michel Germain.

« Je dois l’avouer : je suis aussi fier du chiffre 2 000 que je le suis du chiffre cinq. Pourquoi? Parce que je n’ai manqué que cinq matches en 26 saisons. »

« Le hockey m’a sauvé la vie »

« Le hockey m’a sauvé la vie et en particulier monsieur Tanguay; L’Océanic en général, le groupe de joueurs qui était là quand c’est arrivé aussi. Six joueurs de L’Océanic ont porté la tombe de ma fille. Ça m’a touché énormément. C’est presque incroyable : les joueurs qui sont venus les années suivantes connaissaient à peu près tous mon histoire. Ça s’est transmis d’une génération à l’autre. Je pense notamment à des gars comme Nathan Ouellet et Ludovic Soucy, de la formation actuelle. Ils n’étaient même pas nés quand l’accident s’est produit et ils se préoccupent de moi. Ces jeunes sont toujours délicats, polis et respectueux avec moi. »

Ils savaient

« L’an dernier, vers la fin de la saison, on était à Victoriaville pour un souper d’équipe. Serge Beausoleil n’était pas là, mais Donald Dufresne a pris la parole et il a dit : « tout le monde ici, autour de la table, va nous raconter un peu sa vie, d’où il vient, etc, et qu’est-ce que L’Océanic représente pour lui. » Quand est venu mon tour, j’ai dit que L’Océanic m’a sauvé la vie parce que ma fille, ma femme et ma mère sont décédées dans un accident d’auto le 15 décembre 1998. Personne n’a sursauté autour de la table. Andrew Coxhead venait d’arriver des Remparts et il était au courant quand même », témoignait monsieur Germain.

Monsieur Tanguay

« Je tiens à le dire : L’Océanic a toujours été là pour moi, année après année, mais en particulier monsieur Tanguay. Contrairement à ce que les gens pensent, il ne m’a pas sauvé la vie tout de suite après l’événement. Il me l’a sauvé le soir où, deux ans plus tard, dans un accès de colère refoulé depuis l’accident, j’ai perdu les pédales en ondes. Un dimanche après-midi, contre Shawinigan, il y avait un joueur qui m’était vraiment antipathique. On n’est pas obligé de dire son nom, mais pour moi et plusieurs autres personnes de l’organisation, dont l’instructeur-chef Doris Labonté, c’était un joueur détestable, celui qui était « personna non grata » », se souvenait-il.

Une colère en ondes

« La colère est une étape du deuil que je n’avais pas vécue de 1998 à 2000. Brad Richards a compté en prolongation et on a gagné le match. Là, tout a explosé. J’ai commencé un long monologue : « c’est la dernière visite de X…» C’était un gars qui jouait beaucoup du bâton. Quand il avait 18-19 ans, il voulait toujours se battre, mais avec des plus jeunes, comme Thatcher Bell. Mais quand François Pagé lui a fait face, il n’a jamais voulu se battre. La sorte de joueur qu’on n’aimait pas. J’en ai mis beaucoup en ondes. C’était comme si on avait débouché le champagne : le bouchon a sauté. Cette colère devait arriver tôt ou tard après l’accident. C’est là qu’elle a été canalisée. »

« J’ai pas fini! »

« Après deux ou trois minutes de mon discours, j’étais allé vraiment loin dans mes propos. Mon analyste, Martin Brassard, a tiré sur ma manche de chemise, l’air de dire « ce serait assez! » Je retire mon bras de son étreinte brusquement et je lui dis, en ondes : « Minute! J’ai pas fini!». Je n’oublierai jamais, jamais la réaction de Martin. Il m’a regardé en voulant dire : « Tu veux perdre ta « job »? OK! ». Il a ramassé ses affaires et il est parti. La seule personne, le seul patron au monde qui ne m’aurait pas congédié en raison de cet impair, Maurice Tanguay, ne m’a pas congédié. Après, je suis descendu au bureau d’Éric Forest (directeur administratif), qui me dit : « Michel, je pense que tu es un peu fatigué! » », relate encore cet intarissable raconteur.

« Il poursuit : « je ne veux pas te voir au Colisée ni demain, ni mardi. Reste chez toi; repose-toi, car tu en as besoin. » Il avait tout entendu. » Maurice Tanguay lui dira aussi par la suite qu’il lui pardonnait parce qu’il savait pourquoi cela s’était produit, mais lui demanda de ne plus jamais faire ça!

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