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Nouvelle de 17 h

Confidences d’une aînée à bout de ressources

Marie-Rose Matte, du district Saint-Robert, à Rimouski. garde courage malgré les épreuves. (Photo: courtoisie)

Le bien-être des aînés préoccupe de plus en plus de citoyens et de politiciens depuis le début de la crise sanitaire. Toute la société est appelée à être consciente qu’elle ne répond pas pleinement à leurs besoins.

Le Journal Le Soir présente aujourd’hui un témoignage qui se veut le reflet de la situation vécue par environ le tiers des personnes aînées de Rimouski-Neigette, concernant les difficultés de se nourrir, de se loger et de briser leur isolement. Une résidente du district Saint-Robert, Marie-Rose Matte, a contacté l’auteur de ces lignes à la suite de la publication d’un article sur le projet de Groupe Sélection pour le site de la vieille partie de la Grande Place. L’entreprise prévoit consacrer 42 M$ à la construction d’une résidence de six étages pour aînés, en plus d’espaces commerciaux au rez-de-chaussée. L’ouverture est prévue pour 2024.

« La vie n’est pas facile pour beaucoup d’aînés et ça vaut la peine de le dire pour sensibiliser la population », lance madame Matte. Il y a 12 400 personnes âgées de 65 et plus dans Rimouski-Neigette.

Pour les plus riches

« C’est encore un projet pour les plus riches. J’ai fait des démarches pour m’installer dans des résidences bien connues de Rimouski, mais il n’y a rien pour les personnes qui sont dans la même situation que moi. Mon revenu s’élève à 1 600 $ par mois, alors vous pensez bien que je ne peux pas me payer un trois et demi à 1 900 $ par mois incluant les services, mais pas la nourriture. Actuellement, je vis dans un beau logement de 5 pièces et demi qui ne coûte pas cher, mais est mal isolé. Il fait très froid ces temps-ci. En plus, j’habite au troisième étage et il n’y a pas d’ascenseur. C’est un édifice de six logements », explique madame Matte.

C’est d’ailleurs dans Saint-Robert que l’on retrouve la plus forte concentration de personnes en situation de pauvreté à Rimouski, puisque c’est là que les loyers sont les moins chers et que les édifices sont les plus âgés.

Madame Matte dans son logement de Saint-Robert. (Photo: courtoisie)

Asthmatique

« J’aurais besoin d’un ascenseur, parce que j’ai des problèmes de santé importants, dont l’asthme. J’ai passé ma vie à élever mes trois enfants, à Gaspé. J’ai travaillé fort à faire de la couture, des ménages, de l’entretien ménager pour assurer un revenu additionnel à ma famille. Mon conjoint est mort du cancer en 1993. J’habite à Rimouski depuis 13 ans. Je n’ai pas de service d’aide à domicile, car je considère que je peux encore m’occuper de moi-même. Mais j’aurais besoin d’un endroit plus chaud pour vivre; d’un endroit où je pourrais avoir quelques services sociaux ou de santé et où je pourrais rencontrer d’autres gens et participer à des activités », confie-t-elle.

Les seuls « luxes » que se paie madame Matte sont de posséder une voiture et d’utiliser un téléphone cellulaire. Deux choses qui sont essentielles pour elle, car ce sont des facteurs qui contribuent à la rassurer dans son isolement. S’agit-il vraiment de luxe à notre époque?

Budget serré

Voici donc ce à quoi pourrait ressembler le budget mensuel d’une personne dans la même situation: 660 $ de loyer (chauffé, éclairé); 300 $ de frais pour la voiture, plus ou moins 400 $ en épicerie et 60 $ de téléphone cellulaire, on en est déjà à 1 420 $. Il reste 180 $ pour tout le reste, dont l’essence, les vêtements et les médicaments.

Manque d’information

« Il me semble qu’à 70 ans, on pourrait avoir droit à des jours paisibles et au chaud avant de se rendre à l’étape où on sera en perte d’autonomie complète, dans un « foyer ». On devrait ne pas avoir à se creuser les méninges pour survivre. Je n’ai pas eu de fonds de pension, mais ça ne veut pas dire que je n’ai pas travaillé! Et là, quand je regarde mes finances, je me dis que je suis vraiment « borderline ». Pour les personnes dans la même situation que moi, il n’y en a pas de choix possible. Ce n’est pas tout le monde qui a réussi dans sa vie à avoir assez d’argent pour s’acheter une maison et profiter de sa vente pour bien vivre par la suite. Lors des visites que j’ai faite dans une résidence privée, on me l’a clairement indiqué : inutile pour vous de faire le tour si vous n’avez pas un fonds de pension en plus de vos rentes », signale-t-elle.

Madame Matte déplore par ailleurs ne pas avoir assez d’information sur les programmes ou les services auxquels elle a droit. Tous n’ont pas un ordinateur pour effectuer des recherches. « Je ne sais pas vers qui me tourner », note madame Matte.

Pouvoir s’appuyer

« On est dans une année électorale et si vous me permettez de m’adresser aux politiciens, je leur dirais qu’il faut qu’il y ait des résidences pour personnes âgées publiques, avec des services, où on pourrait avoir des activités pour sociabiliser », commente aussi Marie-Rose Matte.

« Je vous avoue que ce n’est pas rien de devoir monter ces trois étages quand je reviens avec mon épicerie. C’est de plus en plus difficile. Et la COVID! Ce n’est pas facile de passer deux hivers toute seule. Je ne sors pas, parce que je tiens à la vie. J’imagine que la situation est pénible pour beaucoup d’autres personnes qui ont un vécu comme le mien. On n’a pas tous des conjoints sur lesquels on peut s’appuyer. J’ai l’impression qu’il y a des failles dans le système. Ce que je demande si je peux m’adresser à nos politiciens, c’est d’avoir des résidences et des services qui vont avec nos moyens », témoigne aussi la dame.

Éviter de juger

En conclusion, madame Matte déplore que beaucoup de gens se méprennent sur ce que vivent les personnes de son âge. « SVP, cessez de juger. Les gens jugent vraiment trop facilement. On a tous nos problèmes et on a tous nos maladies. Ça peut même être des maladies mentales. Pourquoi juger les autres? Ça ne donne rien. Moi-même, malgré tous nos problèmes présentement, je ne juge même pas notre gouvernement. Il fait ce qu’il peut. »

Dans un second texte à 18 h, nous verrons qu’il existe des ressources pour des personnes comme madame Matte et qu’il y a de l’espoir à l’horizon.

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