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Nouvelle de 17 h

En conflit d’intérêts, Mélanie Bernier estime avoir fait ce qu’il faut

La conseillère est au nombre des initiateurs de l’injonction contre la Ville
Mélanie Bernier sur une photo officielle de sa campagne électorale, prise non loin du terrain où est destiné le projet controversé. (Photo: courtoisie)

La conseillère Mélanie Bernier est bien en conflit  d’intérêts en ce qui concerne le projet de résidence pour aînés de Groupe FARI dans son quartier, mais estime qu’elle a pris les mesures qui s’imposent.

Madame Bernier est directement partie prenante de la demande d’injonction déposée contre la Ville en novembre dernier.

Rappelons qu’elle a mentionné lors de sa campagne électorale qu’elle n’était pas contre le projet de FARI, mais contre le site choisi, ralliant ainsi des opposants au projet. Par la suite, madame Bernier a été élue, ayant le dessus sur le conseiller sortant, Simon Saint-Pierre. Ce dernier était favorable au projet, évalué à plus de 20 M$, qui doit être érigé sur la rue des Flandres.  

Rapidement retirée

Dès l’assermentation du nouveau conseil municipal, Mélanie Bernier et le nouveau maire, Guy Caron, ont indiqué que la demande d’injonction déposée par des citoyens de Saint-Pie-X faisait en sorte qu’ils ne commenteraient pas ce dossier devenu par le fait même judiciarisé. Madame Bernier avait ajouté qu’elle s’était retirée volontairement du dossier FARI, se disant en conflit d’intérêts. Elle mentionnait qu’elle habite dans le secteur, mais pas qu’elle avait posé un geste à portée légale.

L’injonction vise à invalider la résolution qui donnait le feu vert au projet, celle-ci ayant recours à un article de loi qui permet d’éviter la tenue d’un référendum. Sur les 176 unités de logements du projet, 56 sont réservés à des aînés qui auront besoin de soins. La Ville invoque l’urgence de loger et de soigner les futurs locataires pour passer outre à la tenue du référendum. C’est ce que les opposants contestent.

Le maire, Guy Caron. (Photo: courtoisie-archives)

Le promoteur aurait influencé la Ville

Dans son argumentaire, le procureur des demandeurs, Me Jérémy Dick, du cabinet Bélanger, Sauvé de Montréal, allègue que ce serait Groupe FARI qui aurait proposé à la Ville d’avoir recours à l’article de loi en question.

« La solution viendra, dans les faits, de Groupe FARI. C’est ce dernier qui écrit à la Ville que « le projet n’a aucune chance de passer au référendum, vu l’organisation du regroupement de citoyens défavorables », tel qu’il appert au courriel du 15 avril 2021. Il recommande sans détour que le conseil « devrait opter pour mettre fin au processus actuel de PPCMOI (Plan particulier de construction, de modification ou d’occupation d’un immeuble) et s’orienter vers l’utilisation d’outils favorables à la mise en œuvre du projet, soit entre autres l’utilisation de l’article 123.1 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme » », lit-on dans la plainte, dont nous possédons une copie.

Quatre citoyens mandatés par plusieurs

En cherchant à en apprendre davantage sur l’action et l’identité des demandeurs, nous avons pu prendre connaissance d’un document juridique appelé « contrat de mandat ». Celui-ci regroupe les noms, adresses et signatures des personnes qui ont confié le soin de les représenter aux quatre citoyens identifiés comme demandeurs officiels sur la plainte : Serge Basque, Lyne Larrivée, Vicky Rousseau et Steve Rousseau.

Sur la section de ce document juridique que nous avons pu lire, il y a 16 signatures. Trois des signataires ont confié le mandat de les représenter à Serge Basque. Treize autres ont confié le mandat de les représenter à Vicky Rousseau. Les premières démarches remontent à juin.

Parmi les 13 noms figurent celui de madame Bernier, celui de son conjoint, ainsi que leur adresse. La valeur du document nous a été confirmée par un avocat à la retraite.

La future résidence depuis l’intersection des rues des Flandres et Sylvain-Lelièvre, tel qu’imaginée par les architectes de Groupe Fari. (Photo: Ville de Rimouski)

« Agir en justice »

Il est indiqué dans le document, notamment : « Considérant l’intérêt commun des personnes soussignées, citoyen/nes du district Saint-Pie-X de la Ville de Rimouski, dans le litige contre la Ville de Rimouski et Groupe FARI; nous soussignés mandatons Vicky Rousseau d’agir en justice pour notre compte dans le cadre des procédures judiciaires en jugement déclaratoire et en injonction provisoire et interlocutoire contre la Ville de Rimouski et Groupe FARI. »

Mise en garde

Le Journal Le Soir a appris que le Service du contentieux de la Ville a mis en garde les membres du conseil de la délicatesse de la situation et du fait que madame Bernier est bien en conflit d’intérêts et non seulement en apparence de conflit d’intérêts.

Une esquisse du projet de Groupe FARI sur la rue des Flandres. (Photo: capture d’écran, Ville de Rimouski)

Nous avons interpellé la Ville la semaine dernière, en lui demandant notamment s’il s’agissait  d’un précédent, qu’un conseiller ou qu’une conseillère soit directement en conflit d’intérêts face à un promoteur privé et quelle position la Ville adoptait face à madame Bernier d’ici la conclusion du projet FARI.

Réponse de la Ville

« Tout d’abord, la Ville de Rimouski ne peut pas faire de commentaires au sujet du dossier qui fait présentement l’objet de procédures judiciaires, tel que mentionné auparavant. Dans un deuxième temps, il est de la responsabilité des élus d’adopter et de respecter un code d’éthique et de déontologie. L’administration municipale n’a pas à commenter le comportement de ceux-ci. »

« Concernant les décisions sur le projet de Groupe FARI, la Ville de Rimouski peut simplement confirmer que madame Bernier s’est retirée des discussions et de toute décision concernant ce dossier, mentionnant un conflit d’intérêts, et ce, lors d’une séance publique du conseil municipal », nous a précisé la cheffe de Service des communications, Sarah Leblond.

Le projet de Groupe FARI représente un investissement d’environ 20 M$, selon ses promoteurs. (Photo: Ville de Rimouski)

Responsabilité

Le Journal Le Soir s’est rendu jusqu’à la Commission municipale et à l’Union des municipalités du Québec, toujours afin de savoir si l’intervention d’une autorité compétente était justifiée dans ce dossier. Il en ressort toujours que l’application du code d’éthique relève des élus de Rimouski eux-mêmes. Ils n’ont pas à réagir s’ils considèrent que la situation est bien gérée.

Mélanie Bernier ne s’en cache pas

Jointe par le journal cet après-midi, la conseillère Mélanie Bernier n’a pas fait de cachette. Elle reconnaît avoir signé ce document en juin dernier et elle considère qu’elle a respecté le code d’éthique des élus en se retirant elle-même du dossier.

« Je l’ai dit à plusieurs reprises : avant d’être une candidate pour être conseillère à la Ville de Rimouski, j’ai été une citoyenne qui habite son quartier. Ma position par rapport au projet FARI est toujours la même : je suis en faveur de ce projet à Rimouski, mais contre l’emplacement choisi. J’ai toujours été franche par rapport à ça. Le mandat dont vous parlez, la requête pour les demandeurs, je l’ai remplie comme citoyenne et parmi d’autres citoyennes et citoyens. Je ne sais pas combien il y a de signatures, probablement une trentaine. Ce qu’on demande simplement, c’est qu’on nous redonne le droit de participer à un référendum sur la question », rappelle madame Bernier.

Madame Bernier lors de la cérémonie d’assermentation. (Photo; journallesoir.ca, Pierre Michaud)

Retour en arrière

« Quand j’ai été élue, j’ai tout de suite informé la Ville de la situation dans laquelle je me trouvais par rapport au dossier FARI. Je me suis retirée de toutes les discussions concernant ce projet. J’ai été franche sur ma position : j’ai signé une pétition. Je n’étais pas contente qu’on retire aux citoyens et aux citoyennes le droit d’avoir un référendum. En juin, je ne savais même pas que je serais candidate dans les mois suivants. Même si je l’avais su, je crois que cela ne m’aurait pas empêchée de le signer. »

Droit fondamental

Elle estime avoir fait ce qu’il faut : « Je n’ai pas plus d’information que d’autres citoyens parce que j’ai signé ce document. Je ne fais pas partie des demandeurs ni des discussions avec les avocats. Comme toute citoyenne engagée, je voulais retrouver un droit fondamental : celui de pouvoir me positionner pour ou contre le projet FARI. »

« C’est un projet intéressant, mais je trouve que l’endroit choisi n’est pas le bon, dans un quartier résidentiel de jumelés. Ce n’est pas un plus pour le secteur. » -Mélanie Bernier

Pas un plus

 « Votre position sur FARI ne risque-t-elle pas de vous influencer si d’autres projets du même ordre sont présentés à la Ville? », lui avons-nous demandé.

 « Je ne pense pas. Clairement, chaque projet est unique. Il faut le regarder sous un angle unique, selon les informations dont on dispose. Il y en a plein de projets sur le feu qui sont intéressants. Je maintiens quand même ma position en ce qui a trait à FARI : je trouve que c’est un projet intéressant pour la Ville de Rimouski, mais je trouve que l’endroit choisi n’est pas le bon, dans un quartier résidentiel de jumelés. Pour moi, ce n’est pas un plus pour le secteur », persiste Mélanie Bernier.

La résidence serait construite dans la portion en développement de la rue des Flandres. (Photo: Google Maps)

L’inverse est aussi vrai

« C’était vraiment très important pour moi quand j’ai été élue conseillère de m’assurer dès le départ que je ne serais pas en conflit d’intérêts. Je vais vous dire une chose : si jamais j’avais été en faveur du projet, je me serais retirée des discussions aussi. J’habite sur le lot visé par la requête. Je me serais retirée, même si j’avais été en accord », conclut-elle.

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