Nouvelle de 18 h > Le fin mot de l’histoire sur le prix du crabe
Nouvelle de 18 h

Le fin mot de l’histoire sur le prix du crabe

Des pêcheurs au travail pour la Poissonnerie Sainte-Odile. (Photo: Facebook-Poissonnerie Sainte-Odile) (Photo: archives)

À la suite des centaines de commentaires reçus depuis la parution d’un premier texte au sujet du prix du crabe le 25 mars, le Journal Le Soir a pris bonne note des réactions et interrogations de ses lecteurs et y répond avec un dernier reportage sur la saison de pêche du crabe et surtout sur le prix du précieux crustacé.

Tout au cours de nos recherches, nous avons tenté de trouver des réponses auprès des gens qui gravitent autour de l’industrie. Nous avons par exemple interrogé des poissonniers et un pêcheur. L’un d’entre eux, Dave Ross, a présenté son point de vue lors d’une entrevue, samedi dernier. Les lecteurs n’ont visiblement pas bien accepté ses explications et ses commentaires.

Allures de collusion

Par ailleurs, bien des consommateurs trouvent qu’il y a des allures de collusion dans le marché du crabe. Une marchande a mentionné qu’elle discutait des prix avec les autres commerçants, ce qui a provoqué bien des réactions également, laissant croire qu’il y avait une collusion dans les faits.

Le Journal Le Soir a demandé à la dame si elle souhaitait s’expliquer davantage face à la réaction des consommateurs. Elle a décliné notre invitation et a demandé que ses propos soient retirés.

Comme l’essence

Il convient par ailleurs de noter que cette hypothétique collusion n’est pas plus évidente à démontrer que dans le cas du prix de l’essence. Un commerçant peut aussi bien vérifier les prix de ses concurrents en se rendant chez lui ou en portant attention à ses publicités.

Office de protection du consommateur

Un premier intervenant pour la défense des consommateurs sur des prix éventuellement abusifs pourrait être l’Office de protection du consommateur (OPC). Nous avons joint Charles Tanguay, responsable des médias de l’OPC. Il signale que ce n’est pas le rôle de l’Office d’agir sur les règles du marché et d’émettre des commentaires sur les mécanismes de détermination et les prix. L’Office se charge plutôt principalement du respect des prix affichés vs les prix à la caisse et du respect des lois dans les échanges commerciaux en général.

L’offre mondiale décline

Nous avons cependant été en mesure de prendre contact avec un spécialiste apte à bien expliquer la situation et sans parti pris. Il s’agit du directeur des pêches commerciales de la Première nation Wolastoqiyik Wahsipekuk, Guy-Pascal Weiner.

Guy-Pascal Weiner (photo courtoisie – wolastoqiyikwahsipekuk.ca)

Ce dernier identifie deux éléments qui sont susceptibles d’expliquer le prix actuel du crabe : la fin de la pandémie, ainsi que la demande importante pour le crabe dans le contexte international actuel.

« La demande est extrêmement forte dans une pandémie qui s’essouffle même si elle s’accroche. Donc tout ce qui est festif, tout ce qui est récréatif, événementiel, divertissement, reprend et ouvre à pleine capacité. Le tourisme reprend à pleine capacité ou du moins tente de le faire et autour de ces aliments un peu « feel good », le crabe des neiges est un peu la tête d’affiche de tout ce qui est buffet, croisière, casinos, tout ce qui fait voyage haut de gamme. Donc il y a beaucoup de demandes pendant que l’offre mondiale décline », estime monsieur Weiner.

Baisse de quotas majeure

« Tout près de la côte ouest-canadienne, l’Alaska est un producteur mondial important. Il y a eu des baisses de quotas immenses, de presque 90%, donc des baisses importantes et l’autre joueur relativement important est la Russie. Avec le boycott international du crabe russe et la chute de la pêche du crabe de l’Alaska, ne reste pratiquement que le crabe canadien. Le golfe Saint-Laurent possédant les fonds de crabes les plus riches au monde, ça laisse non seulement le crabe canadien roi et maître, mais ça laisse le crabe québécois littéralement au sommet du trône », relate monsieur Weiner.

Des prix peuvent varier selon les régions

Il explique ainsi que la fixation des prix pour le crabe n’est pas du ressort des poissonneries, mais plutôt à partir de l’influence d’un grand marché et d’un rendez-vous annuel nord-américain, le « Boston Seafood Show ». La foire annuelle de Boston mène le rythme ou du moins qui marque véritablement la valeur des débarquements.

« C’est là que certains acheteurs se prononcent, peut-être pour sécuriser un peu les approvisionnements. C’est un ordre de grandeur qui est donné à Boston, mais après, les industriels, du Québec, par exemple, conviennent de donner un prix qui varie un peu de zones en zone. Il n’y a pas si longtemps, chaque zone avait quand même une différence, à la fois géographique et en termes de revenus. Chaque zone était payée un peu différemment. Dernièrement il y a plus tendance à un seul prix pour l’ensemble de la province ou presque. Et ce prix-là est déterminé par les industriels de la transformation », signale-t-il aussi.

« Mange ton Saint-Laurent »

Notons enfin que des efforts sont mis en commun pour valoriser le crabe et pour en favoriser l’accès. La cuisinière rimouskoise bien connue, Colombe Saint-Pierre fait partie du collectif « Mange ton Saint-Laurent ». Nous l’avons sollicitée pour une entrevue, mais elle a préféré décliner notre invitation, rappelant que le collectif  diffusera un webinaire à ce sujet sur sa page Facebook, ce mercredi. Le thème de cette conférence est : « Un crabe pêché ici mangé ailleurs ? Comprendre la hausse des prix ».

Effondrement des stocks

Effectuant également des recherches pour tenter d’expliquer les fluctuations de prix du crabe, Radio-Canada Bas-Saint-Laurent a interrogé un chercheur de l’Institut de recherche en économie contemporaine, Gabriel Bourgault-Faucher, qui confirme que le prix du crabe des neiges est déterminé en fonction de l’offre et de la demande mondiale.

Il confirme aussi que depuis 2015, en Alaska, il y a un effondrement des stocks. « Les quotas ont été coupés de 88 %. À ça s’ajoutent le conflit en Ukraine et les sanctions économiques qui coupent les importations de crabes en provenance de la Russie », indique-t-il.

Dans les poissonneries de Rimouski, le prix du crabe des neiges cuit varie de 29 $ et 33 $ la livre pour du crabe cuit et 15,50$ la livre pour du crabe vivant.

Facebook Twitter Reddit