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Mélikah Abdelmoumen : écrire par besoin

L’auteure Mélikah Abdelmoumen (crédit photo : Jennifer Alleyn)

L’auteure Mélikah Abdelmoumen sera au Salon du livre de Rimouski de 2022 en tant qu’invitée d’honneur : dans le cadre de son passage au Salon, le Journal Le Soir s’est entretenu avec l’auteure au sujet de sa carrière et de ses œuvres.

Mélikah Abdelmoumen en est à son dixième livre.

« J’ai commencé à publier à la fin des années 1990 et j’ai été absente du Québec pendant une certaine période, de 2005 à 2017 j’ai habité en France avec mon chum, qui est français. Nous sommes revenus ici il y a cinq ans. J’ai fait des études en littérature, jusqu’au doctorat à l’Université de Montréal. Évidemment, je n’ai jamais gagné ma vie en écrivant des livres, alors récemment, j’ai été éditrice et depuis un an, je dirige la revue Lettres Québécoises. »

«J’ai fait plusieurs romans, plusieurs textes autobiographiques. Autant du roman policier, que du « thriller » que des livres politiques autobiographiques. Je pense que mon processus d’écriture est très instinctif. Je travaille beaucoup, mais ce qui fait que je vais faire un livre plutôt qu’un autre, c’est vraiment une sorte de nécessité du moment.

Écrire comme respirer

L’auteure explique comment son parcours influence son écriture et comment elle navigue dans ses réflexions.

« Je pense que mon évolution personnelle y joue aussi un rôle. À un moment donné, j’ai été immigrée en France avec un nom arabe, dans une France où l’extrême droite montait et je pense que je me suis beaucoup politisé à ce moment-là, donc c’est sûr que ce que j’ai écrit à commencer à changer et à devenir plus engagé. »

« La manière dont je travaille à beaucoup rapport avec ma position dans la société ou mon regard sur le monde. C’est mon chum qui m’a fait remarquer ça, mais même quand c’est des « romans farfelus », complètement inventés, il y beaucoup de recherche, de réflexion et de lecture, tout le temps. Après, je passe à l’écriture. Ce n’est pas très romanesque, mais j’écris parce que je ne sais pas vivre sans écrire. J’écris depuis que je suis très jeune et je rêvais d’un jour devenir une auteure publiée, mais je ne savais pas si ça m’arriverait. Donc, ce n’est pas une question de vivre des drames et d’écrire pour m’en sortir, bien qu’il y ait une partie de moi qui espère un peu changer le monde, comme nous tous, mais il y a quelque chose de plus basique encore que ça. C’est un peu comme respirer. »

« Baldwin, Styron et moi »

Son nouveau livre, un essai intitulé « Baldwin, Styron et moi » traite de l’appropriation culturelle, un sujet d’actualité qui pourtant, n’est pas nouveau.

« Il y a plusieurs années, une revue m’avait demandé d’écrire un article sur l’appropriation culturelle. Je voulais trouver une manière d’échapper à un discours sur l’actualité, en étant trop proche de l’actualité. Je me suis rappelé qu’il y a avait eu cette histoire incroyable où l’écrivain afro-américain, James Baldwin, qui est un petit-fils d’esclaves, était devenu ami avec l’écrivain William Styron. Styron, qui a écrit « Le choix de Sophie », est un blanc, du sud des États-Unis, petit-fils de propriétaire d’esclaves. »

« Ils étaient très amis et Styron était fasciné par l’histoire de l’esclavage et voulait beaucoup écrire sur le sujet. Son ami, Baldwin, l’a convaincu d’écrire sur une révolte d’esclaves, qui a été mené par Nat Turner. Nat Turner est un esclave qui a mené une révolte au 19e siècle dans la région natale de Styron. Ç’a le fascinait, il ne comprenait pas pourquoi ce n’était pas enseigné à l’école aux blancs. Pourquoi l’histoire américaine était divisée en deux histoires parallèles. Il en a parlé à Baldwin, qui lui a répondu que : « la seule manière de vraiment comprendre la situation des noirs aux États-Unis, c’est que tu l’écrives et que tu te mettes dans la peau de l’homme noir. »

« Donc, il a écrit un roman à la première personne en se mettant dans la peau d’un esclave noir, lui, homme du sud, descendant de propriétaire d’esclaves. D’un côté, ç’a été très bien accueilli et d’un autre côté, ç’a créé une polémique. C’était en 1968 et il s’est fait accuser d’appropriation. Donc ce débat existait déjà. J’ai voulu réfléchir à cette question en prenant plus de recul et en essayant de montrer que, les questions que l’on peut se poser où que l’on a pu se poser – par exemple avec les pièces de Robert Lepage, avec les scandales autour de « SLĀV et Kanata » – que ce n’étaient pas des questions nouvelles. »

Se positionner

À la rédaction de l’essai, l’auteure a voulu faire part de son opinion sur la question, tout en explorant les deux côtés du débat, qu’elle estime être valables.

« Ma position, c’est qu’il avait raison de se mettre à la place de l’autre et qu’on peut le faire. Pour moi, c’est ça la littérature, mais évidemment, quand on le fait, il faut le faire de manière aussi intègre et avec autant de recherches que d’humilité possible. Et surtout, il faut assumer qu’une fois écrit, que l’on peut recevoir des critiques de gens qui ne sont pas d’accord et qu’on doive en débattre avec ces gens-là peut-être. »

« C’est ma position personnelle, mais dans le livre, j’essaie de montrer que ceux qui pensent que Styron n’aurait pas dû écrire ce livre, il y en a aucun qui dit qu’il n’avait pas le droit. Ce qu’ils disent, c’est qu’ils en ont marre que ce soit toujours les mêmes qui ait accès aux tribunes, à l’édition, à la popularité. Donc, le problème n’est pas que Styron ait écrit ça en tant que blanc, c’est surtout le fait que ce soit seulement les blancs qui ont accès à la parole. C’est ce que je trouvais super intéressant, ça remet en perspective et évidemment, leur colère devient tout à coup vraiment plus audible quand on y réfléchit de cette façon-là. »

Le Salon du livre de Rimouski

Madame Abdelmoumen sera au Salon du livre de Rimouski le samedi et le dimanche, soit le 5 et le 6 novembre.

« Je n’en reviens pas d’être invitée d’honneur au Salon du livre de Rimouski. C’est mon dixième livre, mais c’est la première année où je suis invitée d’honneur dans des Salons. J’étais à Sherbrooke la dernière fois et c’est vraiment un honneur. J’ai super hâte, je viens avec ma famille et je suis sidérée. »

Elle participera d’ailleurs à une table-ronde, le samedi après-midi, avec Alain Farah et Olivier Kemeid.

« Nous sommes trois auteurs québécois, né au Québec, mais avec des noms ou des origines arabes, donc je pense que ç’a peut être intéressant de voir ce qu’une rencontre avec eux va donner. »

L’auteure participera également à une soirée de slam le samedi soir.

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