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Nouvelle de 17 h

Une deuxième vague de confinement pourrait entraîner une crise sociale

Retour sur la situation du coronavirus et la santé mentale
Dr Horacio Arruda. (Photo: Facebook-François Legault)

L’éventuel retour au confinement pourrait mal se passer si la propagation du coronavirus obligeait le gouvernement du Québec à revenir en arrière.

La principale période de confinement depuis le début de la crise sanitaire, entre mars et mai inclusivement, a éprouvé le moral des Québécois, sur le plan psychologique, mais pas au point où on pourrait se rendre avec une seconde période de confinement éventuelle. C’est ce qui ressort notamment d’une entrevue avec la psychologue Geneviève Beaulieu-Pelletier, référée au journal le soir par l’Ordre des psychologues, qui avait déjà abordé la question avec nous en juillet.

On avait entre autres établi qu’environ 75% de la population accepte de suivre les mesures sanitaires anti-COVID-19 comme le port du masque, mais que pour 15% de la population, celles-ci sont inacceptables.

La différence de  10% est composée d’opinions mitigées. Dans ces 15% de mécontents, on retrouve une partie de gens qui ont un vécu de problème de rapport avec l’autorité et une autre partie qui ont des problèmes de santé mentale, dont la crise sanitaire a accentué la détresse.

Depuis le mois et demi écoulé depuis la publication de la première entrevue, il s’est passé bien des choses qui ont confirmé les appréhensions de la psychologue.

« S’il y avait une seconde période de confinement, les gens ne réagiraient probablement pas de la même façon. À la première occasion, on ne savait pas ce que c’était, on suivait les directives et on espérait pour le mieux, à court terme. Là, on commence à penser au long terme et les symptômes de détresse psychologiques sont plus présents. Ce n’est pas facile, ce qu’on vit actuellement. S’il y a avait une deuxième vague de contagion, je crois qu’on ne pourrait pas présenter le confinement de la même façon. Je ne dis pas qu’il ne peut pas y en avoir, mais il faudrait que ce soit fait d’une façon où on prend en considération la santé psychologique des gens. Et surtout les besoins psychologiques, car nous aurons besoin de trouver un équilibre dans tout ça », commente madame Beaulieu-Pelletier.

La psychologue Geneviève Beaulieu-Pelletier. (Photo: courtoisie)

Équilibre

« On ne peut pas continuer à ne pas satisfaire nos besoins psychologiques. Il faut arriver à un équilibre entre la santé psychologique et la santé physique. Une pandémie, c’est physique. Par contre, si on veut que les gens suivent et respectent les consignes, on n’a pas le choix de considérer leur santé psychologique, parce que ça peut faire une différence entre suivre les consignes et ne pas les suivre. Les deux vont ensemble. On ne peut pas mettre de côté la santé psychologique », estime-t-elle.

Réactions fortes

« Pour ceux pour qui c’est plus difficile de tolérer les mesures, il y a des réactions très fortes. Si on parle de ceux qui se mobilisent et sont réactifs, un des facteurs, c’est qu’ils peuvent avoir de la difficulté à s’identifier à ce que la société est en train de devenir, avec tous les changements auxquels on fait face et les propos qui sont mis de l’avant par le gouvernement. Ils ne se sentent pas inclus. Nous avions parlé la dernière fois du rapport à l’autorité. On est dans cette lignée. Nous avons comme humains des besoins psychologiques qui sont importants à satisfaire. Par exemple, si on parle simplement du fait d’être en relation avec les autres. Il y en a qui sont très importants, comme l’autonomie. En ce moment, quand on a une obligation de porter le masque, on brime l’autonomie. On se sent donc moins libre, ce qui explique certaines réactions », croit la psychologue.

Faire un temps

« Ce sont des besoins frustrés, non satisfaits. Ça peut faire un temps, mais à la longue, on peut en venir à réagir, parce que ça prend beaucoup de notre énergie. On ressent plus les manques. La volonté nous fait habituellement avancer dans nos différentes sphères d’activité, mais elle peut sortir en impulsivité ou en agressivité si la situation perdure. Est-ce que le mécontentement va se poursuivre? Ça dépendra de chaque personne. »

« La frustration par rapport à l’imposition des mesures sanitaires peut être moins importante, si nos besoins psychologiques sont satisfaits autrement, par exemple au travail. Mais pour d’autres, si leurs besoins psychologiques ne sont pas satisfaits, il y a fort à parier que ça va continuer. J’ajouterais : encore davantage si d’autres  contraintes sont imposées », observe Geneviève Beaulieu-Pelletier.

La raison importe peu

Et pour pousser davantage le raisonnement, il se pourrait bien que l’objet du mécontentement, le masque par exemple, change dans quelques mois, mais que le mécontentement persiste au sujet d’une autre mesure sanitaire.

« On peut s’attendre à ce que, si les manques qui sont ressentis continuent de l’être, on se concentre sur autre chose. »

Comment se comporter?

Concernant ceux qui acceptent les mesures sanitaires pour le bien commun, ils sont souvent en contact avec des « anti » dans leur entourage. Comment doit-on réagir?

« Il ne faut pas chercher la confrontation des idées en essayant de leur faire entendre raison. Il faut autant que possible prendre un angle différent. On est au niveau des croyances. Si la personne y croit, c’est que ça répond à des questionnements personnels, à des insécurités. Parlez-leur du gouvernement ou de l’Organisation mondiale de la santé et vous n’aurez pas de résultat. On a beau donner des faits, c’est la perception de l’autre qui compte. Si on veut aider ou soutenir cette personne, on peut lui demander s’il y a d’autres sphères de sa vie qui la satisfait; prendre le temps d’être avec elle en ami, simplement. »

Madame Beaulieu-Pelletier remarque aussi que les « conférenciers » des organisations anti-masques sur les réseaux sociaux amènent un peu de positif à leurs auditeurs.

« Ça, mine de rien, ça vient combler des besoins, même si la crédibilité de la personne n’est pas établie. Parce que tout d’un coup, on trouve réponse à un besoin psychologique et on tisse des liens avec d’autres personnes. Ça nous explique pourquoi la personne est interpellée par ça. Ça explique aussi pourquoi les anti-masques les partagent autant. »

De héros à zéro

Parlant des mécontents, on peut aussi s’étonner de voir qu’en mars, le directeur national de la Santé publique, Dr Horacio Arruda, était un héros aux yeux de tous et qu’il est maintenant devenu fort impopulaire.

Souvenons-nous les paroles du premier ministre, en mars et en avril : « La Santé publique va décider de…» « On écoute ce que Dr Arruda nous dit.. », « Dr Arruda va vous expliquer que… », etc.

« C’est assez simple et c’est en lien avec ce qu’on dit depuis le début: c’est parce qu’il est devenu le symbole de l’autorité. Quand on parle du rapport à l’autorité, ce sont le premier ministre, les ministres et le Dr Arruda qui sont les symboles de cette autorité. Monsieur Arruda a été un symbole tellement fort que c’est lui qui a fait sa place comme représentant de l’autorité, finalement. Au début, ça va. On accepte les consignes; on se dit que ça va aider. Mais à la longue, les contraintes ont fait en sorte que les mécontents ont identifié la source de leur insatisfaction dans cette figure d’autorité », répond madame Pelletier-Beaulieu.

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