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Élections aux États-Unis : à quoi s’attendre?

Source : mana5280, Unsplash

Comprendre les résultats

Les résultats des élections du 3 novembre, aux États-Unis, ont fait couler beaucoup d’encre et ce n’est visiblement pas terminé. Plusieurs articles et commentaires ont parlé d’un résultat étonnant, voire décevant, étant donné qu’on ne s’attendait pas, pour beaucoup de personnes, à voir un score aussi serré. La supposée vague bleue n’a pas eu lieu. Malgré les recours du président sortant pour tenter d’invalider l’élection de son rival, les carottes sont cuites : Joe Biden sera assermenté comme président le 20 janvier. Le vote postal est une vieille tradition là-bas et on ne retrouve, historiquement, aucun cas documenté et amené devant les tribunaux de fraude électorale à grande échelle. Des recomptages peuvent avoir lieu, mais il est pratiquement impossible que ceux-ci ne renversent plus que quelques centaines de bulletins de vote. Il y aura plus de 300 grands électeurs pour Biden, ce qui constitue une victoire pas si serrée, avec, en prime, une majorité de 4,6 millions de votes sur Trump. Tout s’est joué dans quelques États, comme en 2016, mais sans distorsion entre le vote populaire et le collège électoral.

Donc, pas de problème, l’affaire est dans le sac pour Joe Biden? Ce n’est pas si simple. Une chose à bien garder en tête est que le système politique des États-Unis, un régime présidentiel, diffère énormément de notre propre système politique, un régime parlementaire. Le président, qui contrôle le gouvernement (pouvoir exécutif) doit composer avec le Congrès1, qui fait les lois (pouvoir législatif), notamment. Le pouvoir est donc séparé, contrairement au Canada. Souvent, lorsqu’un président est nouvellement élu, le parti qu’il représente progresse au Congrès. En 2016, Trump avait permis aux républicains de faire des gains à la Chambre, tout en conservant la majorité au Congrès et même chose pour Obama et les démocrates en 2008, qui ont fait basculer le Sénat et repris le contrôle du Congrès. Ensuite, les choses se gâtent aux élections de mi-mandat et le parti du président perd des plumes et même parfois le contrôle du Congrès, comme cela est arrivé pour Trump en 2018 et Obama en 2010.

États des lieux

En 2020, au Sénat, chaque parti a remporté un siège, ce qui fait que le statu quo demeure à la faveur des républicains.2 À la Chambre des représentants, les républicains ont gagné six sièges3, même si les démocrates restent majoritaires. Ces résultats ont refroidi les ardeurs de l’aile gauche du parti démocrate, qui prévoyait des gains importants et la possibilité de faire adopter une série de réformes, dont de nouvelles taxes pour les plus riches et les entreprises et un plan environnemental ambitieux. Ces plans sont donc compromis, étant donné que les projets de loi risquent fort d’être bloqués au Sénat. Ces résultats en dent de scie nous indiquent que finalement, plusieurs personnes ont voté pour les républicains ET contre Trump, signe que c’était peut-être un référendum sur Trump, finalement, et que Biden et les démocrates n’étaient peut-être pas si populaire que ça auprès de certaines personnes, en dépit de sondages favorables.

Ajoutons que Trump a nommé à la Cour suprême trois juges à tendance conservatrice au cours de son mandat, pour un total de six magistrats sur neuf qui ont penchent à droite, sans compter les dizaines de juges qu’il a placés dans les cours fédérales.

Les défis sont donc immenses, car le nouveau président aura à travailler avec un Congrès divisé et des tribunaux conservateurs. Les forces d’inertie dans le système4 seront à leur maximum et l’opposition républicaine va tout faire pour lui mettre des bâtons dans les roues. Cela n’augure rien de bon pour les prochaines années. Ici, au nord de la frontière, peut-être aurons-nous moins de tensions dans les relations bilatérales, ce qui ne peut être que positif, car s’il y a un domaine où le président peut exercer ses pouvoirs, ce sont les affaires étrangères. Mais les dommages causés par la renégociation de l’accord de libre-échange ainsi que le conflit du bois d’oeuve vont continuer à se faire sentir dans la région. En conclusion, il ne faut pas s’attendre à des changements majeurs dans les grandes orientations politiques et qui sait : Trump pourrait bien être réélu en 2024…


1 Le Congrès est composé de deux chambres : le Sénat (2 sièges par État, pour un total de 100) et de la Chambre des représentants (435 sièges répartis selon la population des États).

2 Des élections pour les deux sièges de la Géorgie sont prévues en janvier et vont déterminer qui contrôlera le Sénat. Les républicains détenaient ces deux sièges avant l’élection.

3 Au moment d’écrire ces lignes, plusieurs décomptes n’étaient pas complétés.

4 On doit se rappeler que les États-Unis sont nés dans un contexte révolutionnaire, par opposition à la monarchie anglaise. Il ne faut pas s’étonner que les institutions politiques là-bas évitent de concentrer le pouvoir entre les mains d’une seule personne.

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