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8 mars et équité salariale : 25 ans après la loi 35

Source : Radio-Canada

L’année 2021 marque le 25anniversaire de la Loi sur l’équité salariale, adoptée par l’Assemblée nationale du Québec le 21 novembre 1996. En cette Journée internationale des droits des femmes, il est temps de revenir sur cet événement.

Le projet de loi 35 et l’équité salariale

La ministre de l’Emploi, de la Solidarité et de la Condition féminine, Louise Harel, a déposé le projet de loi pour répondre à certaines des revendications des groupes de femmes, dans la foulée de la marche Du pain et des roses de 1995. Fait intéressant, les 88 député.es présents ont voté en faveur. La loi devait permettre de combler l’écart salarial entre les emplois traditionnellement féminins et masculins dans une même entreprise et se simplifier le processus de plaintes.

Alors que le concept d’égalité salariale («à travail égal, salaire égal») était déjà reconnu dans la loi, la loi 35 introduisait le concept de «à travail équivalent, salaire égal», qui devait s’appliquer tant aux entreprises publiques qu’aux entreprises privées (de plus de 10 employé. es) afin de respecter l’article 19 de la Charte des droits de la personne, qui stipule que «tout employeur doit, sans discrimination, accorder un traitement ou un salaire égal aux membres de son personnel qui accomplissent un travail équivalent au même endroit.»

On estimait, en 2016, que 84 % des entreprises visées ont réalisé l’exercice d’équité salariale.1 Malgré tout, des écarts demeurent : les femmes gagnaient, en 2016, 90 cents pour chaque dollar gagné par un homme, comparativement à 84 cents en 1998 et cet écart s’expliquerait par la surreprésentation des femmes dans le secteur public, dont les conditions salariales stagnent depuis plusieurs années, contrairement au secteur privé ou dans les entreprises publiques, comme Hydro-Québec.2

Austérité et pandémie : un recul important pour l’équité

À l’austérité libérale de précédent gouvernement, on peut maintenant ajouter la crise économique liée à la pandémie mondiale, qui a affecté de manière disproportionnée les femmes, plus présentes dans les secteurs durement touchés comme la restauration, le commerce de détail et l’hébergement, entre autres. Les chiffres relevés par Radio-Canada parlent d’eux-mêmes : par rapport à janvier 2020, on dénote 156 000 emplois de moins chez les hommes âgés de 25 à 54 ans, et 193 000 emplois perdus chez les femmes du même groupe d’âge, tandis que le taux d’emploi des femmes a davantage baissé que celui des hommes.3

Si la loi sur l’équité salariale a permis certaines avancées en matière de rémunération, notons qu’il demeure un écart encore important pour ce qui est des tâches non rémunérées effectuées encore en grande partie par les femmes, un peu partout dans le monde, comme on peut le voir sur le le graphique suivant :

Source : Éve-Line COUTURIER et Julie POSCA, « Tâches domestiques : encore loin d’un partage équitable », Note socio-économique, Montréal, Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), 2014, p. 2

À l’international, on mesure l’activité économique par le produit intérieur brut (PIB), qui peut être calculé de différentes manières, mais qui ne couvre que les activités rémunérées. Les activités non rémunérées, comme les tâches ménagères et les soins apportés à la famille (enfants ou parents vieillissants), ne sont tout simplement pas considérées. Or, les femmes effectuent, partout sur la planète, la majorité de ces activités. Si bien qu’on sous-évalue de façon importante la contribution des femmes à la production économique internationale. Si vous achetez un plat au restaurant, c’est calculé dans le PIB, si vous vous cuisinez votre repas, ce ne l’est pas (vos achats seront comptabilisés, mais le temps consacré, non). Or, ce qu’on constate, c’est que les femmes, depuis la pandémie, consacrent davantage de temps aux tâches familiales, à cause des mesures comme les fermetures d’écoles ou l’absence de services de garde.4

Si on prend ce dernier exemple, la pandémie a envenimé la situation. Dans la région, le manque de place en garderies fait l’objet de plusieurs reportages et il faudrait trouver entre 500 et 700 places pour combler la demande, avant la crise.5 Or, si le gouvernement semble prêt à autoriser de nouvelles installations, il semble rechigner par rapport aux conditions de travail des personnes qui vont œuvrer dans les CPE, c’est-à-dire des femmes, très majoritairement. Selon les données fournies par le ministère de l’Éducation en 20186, les éducatrices en petite enfance gagnent un salaire horaire moyen parmi les moins élevés de tous les emplois qui nécessitent un DEC, au 42rang sur les 55 programmes recensés et c’est pire pour les détentrices d’une AEC, qui se situent à l’avant-dernière place. Sans surprise, les professions traditionnellement masculines, comme le génie mécanique ou le génie civil, obtiennent les meilleurs salaires. En plus, ce sont les femmes qui quittent le marché du travail pour s’occuper des enfants, et ce, partout dans le monde…7 Après 25 ans, il reste encore du travail pour que les femmes obtiennent une réelle équité salariale.


1 Sophie MARCOTTE, « À travail équivalent, salaire égal? La loi y travaille », La Gazette des femmes (21 novembre 2016), https://gazettedesfemmes.ca/13471/lequite-salariale-20-ans-plus-tard/ (page consultée le 7 mars 2021).

2 Hugo LAVALLÉE, « Plus de 20 ans après la Loi sur l’équité salariale, les inégalités persistent », Radio-Canada (13 février 2019), https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1152650/rapport-iris-equite-salariale-inegalites (page consultée le 7 mars 2021).

3 Gérald FILLION, « Les femmes, davantage touchées par la crise », Radio-Canada (12 février 2021), https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1770228/femmes-crise-economique-coronavirus-covid (page consultée le 7 mars 2021).

4 AFP, « La pandémie risque de creuser l’écart économique entre les sexes », La Presse (21 juillet 2020), https://www.lapresse.ca/affaires/economie/2020-07-21/la-pandemie-risque-de-creuser-l-ecart-economique-entre-les-sexes.php (page consultée le 7 mars 2020).

5 Alexandre COURTEMANCHE, « Les nombreux impacts du manque de places en garderie », Radio-Canada (14 février 2020), https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1523644/cpe-harold-lebel-famille-penurie (page consultée le 7 mars 2021).

6 MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION ET DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, La relance au collégial en formation technique/2018, Québec, ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, 2019, 28 pages.

7 AFP, op. cit.

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