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Êtes-vous cet autre?

La marée monte imperceptiblement, mais inévitablement

Un orignal est là, devant moi. Littéralement. Dans l’eau du fleuve cet après-midi. Visiteur imprévu, visiteur inhabituel à Sainte-Flavie. La marée monte. La marée monte imperceptiblement, mais inévitablement. La marée monte et l’orignal est là à se demander ce qui se passe. Il ne connait pas les mouvements des marées. Il ne sait pas qu’il peut être emporté. Certes, il sait nager, mais le courant aussi sait nager. Et mieux que lui. Il ne bouge pas. Il attend… Il attend quoi?

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La marée monte. La marée monte imperceptiblement, mais inévitablement. La marée monte et vous êtes là à regarder l’eau qui monte sur vos chevilles, jusqu’à vos mollets; l’eau qui caresse vos cuisses et finit par enserrer votre taille. Certes, vous savez nager, mais le courant aussi sait nager. Et mieux que vous.  

Il arrive que nous soyons dans des situations telles que nous ne savons pas si nous sommes bien ou non. L’un de ces conforts établis, un faux confort, un confort inconfortable. Une situation qui s’est installée, qui s’est ancrée. Souvent, dans ces situations-là, on choisit de ne pas bouger. Qu’attendez-vous?

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L’orignal est là, devant moi. Littéralement. Dans l’eau du fleuve cet après-midi. Visiteur imprévu, visiteur inhabituel. Il ne connait pas l’eau salée, sa langue ne la connait que douce. Première lapée : le picotement est surprenant, inusité. Une deuxième lapée : étrange. Une troisième lapée : dommageable.  

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Il arrive que nous soyons dans une position telle que nous n’avons plus accès qu’à de l’eau salée. Le picotement est d’abord surprenant, inusité. La deuxième gorgée : étrange. La troisième gorgée : dommageable. Seulement, dans ces situations-là, soit on choisit de ne plus boire du tout soit on choisit de ne tremper la langue dans l’eau saline que lorsque l’on n’en peut plus. Mais l’amertume vient toujours, le réconfort, jamais. La soif. Le prévisible dommage survient.

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Un bateau arrive par le flanc de la mer. Gentiment, il force l’orignal, par son simple bruit, à faire demi-tour. La bête, poussée par le mouvement qu’elle sent au loin, décide de bouger, se décide à avancer pour enfin sortir de l’eau. Elle décide de faire de petits pas vers la grève, même si le fond est glissant, même si le fond est rocheux. Elle brave sa peur, elle se fait courage pour aller vers le mieux.

L’homme lui a donné le coup de pouce nécessaire, un simple accompagnement, de loin, pour qu’elle utilise SES propres ressources.

La force, elle l’avait déjà. La capacité de marcher et de nager, elle l’avait déjà. La direction où aller, elle la connaissait déjà. Un simple mouvement qui lui a redonné confiance.

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Il arrive qu’un autre — un ami, un professionnel, un frère, un collègue — gentiment, nous force par un simple mot, un simple commentaire, une simple question, à faire un tour de force ou un tour de magie. Poussé par le mouvement de cet autre qui croit en nous, son énergie que l’on sent de loin, cette confiance solide que l’autre a en nous, on se décide à avancer vers le mieux, même si l’estime est glissante et que la voie nous semble rocailleuse. Alors on brave sa peur, on enfile notre courage pour aller vers le mieux.

Cet ami, ce professionnel, cette sœur, ce patron, nous donne le coup de pouce nécessaire, un simple accompagnement pour utiliser NOS propres ressources.

La force, on l’avait en nous. La capacité de se relever, aussi. La direction où aller, on l’avait pressentie.

L’humain possède en lui tout ce dont il a besoin pour avancer.

Êtes-vous le collègue qui condamne ou celui qui encourage?

Êtes-vous le parent qui blâme ou celui qui écoute?

Êtes-vous le professionnel qui dicte ou celui qui accompagne?

Êtes-vous le confident qui juge ou celui qui accueille?

Chaque humain possède en lui tout ce dont il a besoin pour avancer, cependant, il arrive qu’il ait parfois besoin de cet autre qui enclenchera le bon mouvement, qui le guidera vers le rivage; ce regard confiant qui lui fera faire le premier petit pas vers un terrain plus solide, un chemin assuré, une voie plus sereine.

Êtes-vous cet autre?

Choisirez-vous de l’être?

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